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Citations sur Zouleikha ouvre les yeux (174)

Ignatov ne comprenait pas comment on peut aimer une femme. On peut aimer des choses grandioses : la révolution, le Parti, son pays. Mais une femme ? Et comment peut-on utiliser le même mot pour exprimer son rapport à des choses d’importance si différente : comment mettre sur la même balance une quelconque bonne femme et la révolution ? C’était ridicule.
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Parfois, elle avait l’impression qu’elle était déjà morte......Mais lorsque Zouleikha s’approchait des latrines improvisées dans un coin de la cellule, qui consistaient en un grand seau de fer-blanc sonore, et qu’elle sentait ses joues brûler de honte, elle comprenait soudain qu’elle était encore en vie. Les morts ne connaissent pas la honte.
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 On s’était mis à désigner par essor des koulaks l’enrichissement rapide des paysans exilés. Envoyés à des milliers de kilomètres de leur maison natale, ils avaient, en six à huit ans, réussi à se remettre du choc, à se faire à leur vie nouvelle, et se débrouillaient pour gagner ici aussi un sou de plus, le mettre de côté, puis l’utiliser pour acheter de l’outillage et même du bétail pour leur usage personnel. Bref, les paysans dépouillés jusqu’à l’os se rekoulakisaient, ce qui, bien évidemment, était inadmissible. C’est pourquoi les hautes sphères de l’État avaient pris une sage décision : il s’agissait de stopper immédiatement l’essor, de punir les coupables, et d’organiser en kolkhozes ces koulaks qui, même en exil, avaient manifesté perfidement leur propension inextirpable à l’individualisme. Une vague punitive parcourut les rangs du NKVD, fauchant ceux qui avaient toléré cette rekoulakisation, y compris dans les plus hauts échelons, et se fondit dans le courant général des répressions de 1937-1938. 
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La mort est partout. Zouleikha l’avait compris enfant déjà. […] Elle s’était habituée à cette idée comme le bœuf s’habitue au joug, comme le cheval s’habitue à la voix de son maître. Certains n’avaient droit qu’à une toute petite pincée de vie, comme ses filles, d’autres s’en voyaient offrir une poignée, d’autres encore en recevaient une quantité incroyablement généreuse, des sacs et des granges entières de vie en réserve, comme sa belle-mère. Mais la mort attendait chacun d’eux – tapie au plus profond d’eux-mêmes, ou marchant tout près d’eux, se frottant à leurs jambes comme un chat, s’accrochant à leurs habits comme la poussière, entrant dans leurs poumons comme de l’air. La mort était omniprésente – plus rusée, plus intelligente et plus puissante que la stupide vie, qui perdait toujours le combat. 
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« L’épouse est un champ dans lequel l’époux plante les graines de sa descendance, lui avait appris sa mère avant de l’envoyer dans la maison de Mourtaza. Le laboureur vient au champ quand il le désire, et le laboure autant qu’il en a la force. Il ne convient pas au champ de contredire son laboureur. » Elle ne le contredisait pas : serrant les dents, retenant sa respiration, elle supportait. Combien d’années avait-elle vécu sans savoir qu’il pouvait en être autrement ? Elle savait, à présent.
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Depuis que le roman existe, les hommes ont écrit cent fois plus de mauvais romans que les femmes, c’est un fait difficile à contester. 

Lioudmila Oulitskaïa
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Zouleika ouvre les yeux Il fait noir comme au fond de la cave à provisions Derrière le rideau fin, les oies soupirent dans leur sommeil. Le poulain d'un mois clappe des lèvres, cherchant la mamelle de sa mère. De l'autre côté de la petite fenêtre près de la tête de lit, une tempête de neige mugit sourdement. Mais l'air glacé de janvier n'entre pas dans l'isba : Merci, Mourtaza, d'avoir calfeutré les fenêtres avant les grands froids. Mourtaza est un bon maître de maison. Et un bon mari. Il ronfle dans la partie des hommes, d'un ronflement ample et satisfait. Dors, dors - c'est le sommeil le plus profond, juste avant le lever du soleil.
Le moment est venu. Allah tout-puissant, aide-moi à réaliser mon idée, fais que personne ne se réveille.

(Incipit)
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À la fin de 1928, un fin ruisseau de dékoulakisés coula des vastes espaces de ce qu’on appelait encore la province de Kazan jusqu’à sa capitale. Les déplacés devaient être rassemblés, chargés dans des wagons et envoyés dans leurs lieux de relégation. La prison étape avait été choisie pour accueillir ce contingent pas vraiment criminel, mais qui n’en devait pas moins être gardé, d’autant que les anciens koulaks allaient suivre les routes de prisonniers devenues depuis longtemps classiques (la Kolyma, les bords de l’Énisseï, du Baïkal, l’île de Sakhaline…), souvent dans les mêmes convois que les condamnés au bagne, mais dans des wagons séparés.
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Voici la lisière du village. Ici, derrière la barrière de la dernière maison, nez tourné vers les champs, queue tournée vers Ioulbach, vit le bassou kapka iyasé, l’esprit de la lisière. Zouleikha ne l’a jamais vu, mais on dit qu’il est irascible et revêche. Comment pourrait-il en être autrement ? Il a tant de travail : éloigner les mauvais esprits du village, ne pas les laisser franchir la lisière, et si un villageois veut demander quelque chose aux esprits de la forêt, il doit l’aider, faire l’intermédiaire. Il n’a pas le temps d’être aimable.
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Ignatov ne comprenait pas comment on peut aimer une femme. On peut aimer des choses grandioses : la révolution, le Parti, son pays. Mais une femme ? Et comment peut-on utiliser le même mot pour exprimer son rapport à des choses d'importance si différente : comment mettre sur la même balance une quelconque bonne femme et la révolution ?
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