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Nous sommes au Tatarstan, en 1930, dans un bled, où une jeune femme mariée,est domestique et bête de somme au service d'un mari beaucoup plus âgé......et de la belle-mère. Dés les premières pages on tombe sous le charme de Zoulheikha, Yeux verts, ce petit bout de femme soumise sans aucun autre choix, peu éduquée mais si sensible, si délicate, qui mise à part sa religion musulmane est profondément attachée aux croyances païennes héritées de sa mère.("Ce n'est pas facile de contenter un esprit.....L'esprit de l'étable aime le pain et les biscuits, l'esprit du portail, la coquille d'oeuf écrasée. L'esprit de la lisière, lui, aime les douceurs. Zouleikha tient cela de sa mère."). de minutieuses descriptions de la préparation de la bania ( le bain dont la salle est en dehors de l'isba ), de la belle-mère qu'on prépare au bain et du rituel de bain achèvent le charme de cette introduction à un livre qui nous promet une aventure longue et douloureuse, suite à un rêve prémonitoire, dans une Russie en pleine ébullition, où sévit la dékoulakisation ( terrible !) menée par Staline.
Qui est qui ? Aujourd'hui bourreau, demain victime (président de soviet finit sa vie en exilé / il peignait des affiches révolutionnaires, et il se retrouve en Sibérie...), ou le contraire (!), un système sans lois, sans repères, à la merci d'un seul homme qui s'appuie sur des dogmes incohérents, une idéologie factice. Passage d'un état d'injustice à un autre encore pire....qui va entraîner la misère et la mort de milliers de personnes.

Un texte trés fort, superbement écrit et traduit, et comme le dit l'écrivaine Lioudmila Oulitskaïa, " qui nous va droit au coeur". Elle nous fait sentir la nature, le froid, le silence, la désolation, la honte, la misère, le désire, l'amour ( qu'elle dénomme "le miel", magnifique !)........au tréfonds de notre être. La richesse des images ( l'écrivaine a fait une école de cinéma ), des descriptions et la poésie et la beauté qui s'en dégagent renforcent la puissance du texte tout en adoucissant le côté dramatique des événements.
Encore une fois vous serez révolté par la misère, l'injustice, la violence et la tyrannie qu'exercent les hommes sur leurs semblables dés que l'occasion s'y présente, utilisant n'importe quelle faux alibis; et aussi émerveillé par tout ce que l'homme est capable de faire dans les pires situations de dénuement et de désespoir. Mais ce livre est avant tout une magnifique histoire, celle d'un personnage unique, inspiré de la grand-mère de l'écrivaine, "une poule mouillée" qui deviendra une femme forte au contrôle de son destin, destin d'une miraculée dans les tréfonds de la taïga.
J'ai adoré Zouleikha, et son histoire de femme, "élément antisoviétique", au sein de la terrible Histoire de la Russie de Staline ( " le sage homme moustachue" de la photo ) m'a bouleversée.
Définitivement un coup de coeur !


".........Zouleikha ouvre les yeux. Dans la brume rosée de l'aube.....une grande mouette à la poitrine blanche, posée sur le bastingage, la regarde fixement de ses yeux brillants aux reflets d'ambre."

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Tu ouvres ce livre et tu ne peux plus décoller tes yeux de ses pages :
Parce que « Zouleikha... » est un superbe roman traversé par le souffle épique des grands écrivains russes ; une fresque historique trompeusement cinématographique, se refusant tout penchant psychologisant ; il est aussi un magnifique essai sur le regard.
Et tu t'étonnes de ressentir comment ce beau livre, salutaire, peut résonner dans ton désert intérieur, en créant des petites vagues là où tout s'était figé.

Si tu le fais tien, tu verras que la question du regard est centrale et permanente : il y a l'oeil d'un dieu quelconque, inventé pour surveiller et punir, et il y a l'oeil intérieur.
Il y a le Surmoi qui tue, castre et maltraite (le parti, « le père des peuples » et leurs nombreux serviteurs zélés) et il y a toute une forêt de petits Moi, du plus humble et peureux, celui qui met du temps à s'avouer ses propres sentiments, jusqu'au communiste qui s'oublie pour faire survivre « ses » koulaks « déplacés ».

A travers les yeux de Zouleikha, tu saisiras, au-delà des arbres, l'esprit des steppes et les bulbes des églises russes, pulsant comme des fleurs dorées, et même la prison comme un grand organisme concentré sur l'effort de rester en vie. Ainsi que des jolies représentations animistes et panthéistes qui seront toutes pulvérisées face à l'amour pour son enfant et à l'énergie mobilisée pour le faire grandir.

Tu imagineras les peintures d'Ikonnikov, miettes de culture dans la nature la plus hostile, comme des fenêtres et des leçons d'histoire, telles que le jeune Youssouf les voit et que la vie met sur son chemin.

Et ton regard accompagnera, soucieux, le brillant docteur Leibe qui, pendant un bon moment, semble préférer le délire psychotique : tiède, aveuglant et protecteur face à tout ce qui fait mal à voir.

Tu vas souffrir, tu vas t'étonner, et tu prendras un énorme plaisir à te laisser entraîner dans l'illusion que Gouzel Iakhina ne fait que promener un miroir le long d'un chemin afin de générer tout ce monde – tellement riche et contradictoire, enregistrant des subtiles métamorphoses et dévoilant des ressources insoupçonnables.

Bien sûr, tu n'échapperas pas à quelques questions : qu'est-ce qui rend possible ce regard tendre sur un pan d'histoire des plus cruels ? Où puisent leur force ce manuel de survie et cette balade follement belle dans la Russie et la Sibérie blessées ? Aurait-on pu écrire de la sorte si l'on n'était pas une petite-fille des tatars « déplacés », à quelques décennies de distance de ces épisodes traumatiques ?

Livre des larmes que le temps a séchées.
Voilà un livre capable, ne serait-ce que pendant quelques heures, de te tirer d'une dépression.
Ne te retourne pas, comme la femme de Loth, sinon tes larmes te figeront sur place.
Lève-toi, prends ton lit et marche, comme Zouleikha.
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Une très belle découverte que cette Zouleikha ouvre les yeux !

Zouleikha est une jeune paysanne vivant dans un village perdu de la province du Tatarstan. Elle est simple, humble, naïve, insignifiante, illettrée, maladroite, peureuse, croit aux esprits. Elle est maltraitée par son mari et sa belle-mère et ne s'en révolte pas, cela lui paraît normal. Elle ne doute pas de sa faiblesse, elle n'a même pas été capable d'avoir des enfants qui aient survécu.

Le roman se déroule dans les années trente, durant lesquelles Staline a décidé de soumettre les koulaks, ennemis de la classe ouvrière.
Les paysans craignent le pouvoir qui les rançonne et les dépouille sans cesse davantage.

Lors d'une expédition de l'armée rouge, son mari est tué par leur commandant, Ignakov. Zouleikha et les koulaks vont être déportés en Sibérie.
Le trajet est long et verra le nombre de koulaks fortement diminué par les épreuves, la maladie, les évasions et surtout la faim. Ils aboutiront enfin à destination, aux rivages du fleuve Angara et y seront abandonnés avec le commandant. C'est alors qu'une lutte pour la survie s'organise. Elle y connaîtra des intellectuels appartenant à l'intelligentsia, les moins adaptés à survivre mais qui pourtant s'adaptent ! C'est l'hiver et l'hiver sibérien est plus long et plus dur que les autres.

Cette déportation et ces épreuves vont profondément métamorphoser notre protagoniste. Elle découvre la maternité et l'amour, amour hors mariage, amour illégal mais existe-t-il encore des lois sur cette terre oubliée d'Allah et des hommes ?
Zouleikha ouvre les yeux sur une vie nouvelle, sur la misère et la grandeur de ses semblables. Elle cesse d'être victime et est respectée par tous, et tous s'efforcent de l'aider et d'aider son fils. Elle sait toujours trouver un motif pour aller de l'avant.

Tout est décrit en nuance, il n'y a pas de bons ou de mauvais, pas de compassion devant la misère, pas d'exotisme suranné, pas de moralisme, l'amour n'est pas exalté, il est tel qu'il est.

C'est une histoire qui s'insère dans un fragment de l'histoire soviétique, une histoire qui montre à quel point les difficultés peuvent changer les hommes. Dans les conditions les plus inhumaines peut se trouver une humanité
Les caractères des divers personnages sont détaillés avec justesse.

Le style est simple, poétique souvent ; beaucoup de détails trouveront leur signification plus tard. On remarquera la présence de nombreux mots tatars (il y a un lexique !).
Il y a beaucoup de rythme.

C'est un roman qui m'a touché, Zouleikha est un personnage féminin que je ne peux oublier
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Une merveille. Un bijou. Une rareté.

Voici un livre vraiment unique- non, en fait, ils sont deux, et de la même auteure (et ce mot au féminin prend toute son ampleur !).

Je viens d'entrer il y a quelques semaines dans le cercle très privilégié-et j'espère pas fermé du tout- des admirateurs béats de Gouzel Iakhina !

Zouleikha m'a vraiment ouvert les yeux !

L'occurrence discrète et toujours justifiée du titre dessine en effet le parcours d'un éveil.

Les deux grands yeux verts de Zouleikha s'ouvrent à la connaissance du vaste monde... Une aventure qui, dans l'URSS de 1930, en pleine dékoulakisation, n'a rien d'un parcours de santé. Et ils s'ouvrent aussi, pour la toute jeune et naïve Zouleikha, à la connaissance de soi dans les pires conditions qui soient.

En quelques jours, en effet, Zouleikha (dont les seules manifestations d'indépendance étaient d'aller voler du sucre chez sa terrible belle-mère pour l'offrir aux divinités des bois qui veillent sur ses quatre petites filles mortes) , découvre brutalement qu'il va falloir survivre seule -ou presque : elle attend un cinquième enfant- quand la Horde rouge, commandée par Ignatov l'incorruptible, tue son (tyran de) mari et l'emmène avec d'autres paysans rétifs à la collectivisation, sur les routes et les eaux qui les déporteront en Sibérie, au milieu de nulle part.

L'histoire terrible de l'union soviétique saignée à blanc par le petit père des peuples est donc la toile de fond de cet éveil d'une conscience à la réalité du monde et à elle même.

Tout est là : les exactions, les persécutions, les déportations, le goulag, la propagande, le triomphe des bureaucrates et des lèche-bottes, la suspicion, la délation, les massacres de masse...

Et pourtant rien n'est moins atroce et violent que ce récit subtil, tendre pour ses personnages : il n'est que de voir le portrait d'Ignatov, guerrier et communiste intransigeant, qui se mue en sauveur de "ses" déportés et en divinité tutélaire du camp qu'il a construit avec eux sur les bords de la sauvage Angara.

La Russie est un pays dévasté par la révolution et la guerre civile, divisé par mille langues et traditions religieuses différentes (Zouleikha est une tartare musulmane mais plus encore imprégnée des rites et légendes animistes et païens qui restent vivaces dans sa région) : cette complexité, sous la plume ailée de Gouzel Iakhina, ouvre les vannes d'une poésie quasi magique.
La belle-mère assassinée devient un fantôme de mauvais augure, les neiges, la glace, les loups et les ours servent les voies capricieuses du destin et donnent à l'épopée des pauvres koulaks un air de conte initiatique et cruel.
Les personnages les plus odieux deviennent des caricatures dont on se moque à bas bruit.
Le désir féminin est un torrent de miel qui s'empare de Zouleikha comme si un sort lui avait été jeté.

À l'inverse, l'histoire du roi des oiseaux que Zouleikha raconte à son fils Youssouf résonne comme une parabole ou une fable politique.

Et la lecture devient, littéralement, un enchantement grâce, aussi, à une traduction époustouflante de finesse et qui a su préserver l'"exotisme" de ces steppes lointaines : un lexique final donne les clés des mots tatares qui émaillent le récit. Mais on s'y est tellement immergé et on s'est tant imprégné de cette saga qu'on les a fait nôtres depuis longtemps...

Il y a bien longtemps, aussi , que je n'avais goûté pareil plaisir de lecture...

Merci à tous les poissons pilotes de babelio à qui je dois cette précieuse découverte, Idil en tête...
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Quand la horde rouge, chargée de la dékoulakisition, débarque une fois de plus dans ce coin de la province de Kazan, tue son époux et emmène Zouleikha avec les paysans accusés d'être de mauvais communistes pour un trajet de plusieurs mois vers la Sibérie, ce n'est pas si grave. Même si les conditions sont redoutables au point que beaucoup perdent la vie, la jeune femme, qui vit un enfer avec un mari plus âgé et une belle-mère épouvantable, va découvrir une forme de liberté dans un système destiné à broyer les hommes...

Gouzel Iakhina revient avec finesse et poésie, eh oui, sur la dékoulakisation qui accompagna la collectivisation forcée des terres, avec des emprisonnements, des confiscations, des exécutions et des déportations de masse de paysans (environ 30 000 ont été fusillés, 2,1 millions ont été déportés, et la faim, les maladies et les exécutions auraient coûté la vie de 530 000 à 600 000 autres). Une dékoulakisation ouverte par Lénine et reprise par Staline dans les années 30, avant la généralisation du système du goulag, qui a fait l'objet d'une résistance considérable de la part des paysans. Dans le cas de Zouleikha, une héroïne oh combien attachante, cette résistance est plus une adaptation à un système inique, qui, par un fatalisme primordial propre aux Russes, trouve une forme de résilience aux pires souffrances, et une capacité à encore s'émerveiller.

« … Zouleikha ouvre les yeux. Dans la brume rosée de l'aube, tous les objets semblent devenus légers et vacillants. Une grande mouette à la poitrine blanche, posée sur le bastingage, la regarde fixement de ses yeux brillants aux reflets d'ambre. Derrière elle, dans la blancheur ouatinée, frémissante, du brouillard matinal, on devine à peine les contours des rives lointaines. le moteur est éteint, la péniche suit silencieusement le courant. de petites vagues clapotent tendrement contre la coque. »
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En 1930, quelque part dans le Tatarstan, Zouleikha, épouse soumise , vit une existence de labeur , sous le joug de son mari et de sa belle mère . Insultée, abusée, harassée de travail inhumain , elle s'attache à sa condition d'épouse et la perte de ses quatre petites filles l'a encore plus placée sous l'aile de Dieu.

Pour autant, l'arrivée de la Horde Rouge , ces soviétiques qui ont épuré les campagnes et déporté des millions de paysans va bouleverser sa vie.

Roman très ambitieux , aux multiples facettes qui n'aura de négatif à mes yeux que le défaut de passages trop longs.
Car pour le reste , l'auteure nous a transporté dans le quotidien de Zouleikha et de tous ces déportés avec brio.

Mais , malgré la rudesse du texte et l'âpreté inhumaine de la vie réservée à "ces déplacés", ce roman m'a semblé mettre en exergue l'immense faculté d'adaptation de l'être humain. Tout perdre , vivre dans des conditions abominables et pourtant, avec le temps , se reconstruire, s'adapter à son milieu et reprendre espoir .

Zouleikha la soumise va osciller entre ses envies et son attachement à son Dieu et aux valeurs qu'on lui a martelées. Elle va vivre la tête baissée mais le coeur rivé à celui de son fils .

Le chef du village , Ignatov, les intellectuels de Leningrad , le fourbe Gorelov , le bon soldat Kouznets, tous ces personnages dressent une vision non exhaustive certes de l'URSS mais appuient sur l'absurdité d'un système verticalisé à l'extrême..

Un beau roman, un hommage à ces forçats de l'inutile , à ces peuples sacrifiés, à travers un très beau portrait de femme.
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Un roman Russe qui raconte les années 1930, pas une romance, mais un combat pour la survie.

Zouleiikha est une Tatare, elle habite une ferme avec son mari de quarante ans.Ils ne sont pas riches, doivent travailler dur. Sa belle-mère, qui habite dans une pièce attenante et traite durement sa belle-fille, a aussi d'étranges prémonitions. Les croyances sont importantes pour Zouleikha qui fait des offrandes et craint les monstres de « l'ourmane », la forêt profonde.

C'est une époque difficile. Leurs provisions sont pillées par les « hordes rouges ». Les petits fermiers seront considérés comme des koulaks, des ennemis du régime qu'on doit exproprier et exiler en Sibérie. Commence alors un long voyage en train, vers d'autres rencontres et d'autres paysages…

La couverture montre une image romantique d'une femme dans un champ de chaume, mais c'est trompeur, si une femme a bien un bébé dans le livre, ce sera près d'un feu de camp au milieu de la taïga qu'elle accouchera. Des conditions plus que précaires!

Un coup de coeur pour ce roman, une écriture qui transporte ailleurs, qui peut montrer à la fois les horreurs que des hommes infligent à leurs semblables et la formidable résilience des survivants.
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Formidable roman, remarquable à tous points de vue. "Zouleikha ouvre les yeux" s'inscrit déjà dans la grande tradition du roman russe entre drame, déchirement, barbarie sociale, ethnographie et passion.

J'ai été attirée par ce roman parce qu'à ma connaissance, c'est une des rares oeuvres traduites en français se déroulant à Kazan, la capitale musulmane de l'immense Russie. Une ville posée au bord du majestueux fleuve Volga et que j'ai eu l'occasion de découvrir il y a quelques années, en m'y rendant en train de nuit depuis Moscou, située à 800 km plus à l'ouest. Capitale marchande et universitaire emblématique du Tatarstan, Kazan est aujourd'hui une métropole d'un million d'habitants (une ville moyenne pour la Russie) qui brille par son histoire et sa culture tatare steppique ; avant-poste de l'Oural et de l'infinie taïga sibérienne qui lui succède.

Zouleikha (à prononcer "Zouléira") est une jeune tatare mariée à quinze ans à un paysan propriétaire, un "koulak". Nous sommes en 1930. Sur le domaine agricole et forestier de son mari, rien moins qu'une ferme, le labeur est rude et peut sembler à des yeux occidentaux du pur esclavage. Mais comme il semblera doux et naturel, familier et réconfortant, à la jeune femme déjà bien éprouvée dans ses maternités qui sera propulsée brutalement dans le chaos soviétique.

Enlevée à l'instar de millions de "koulaks" par les autorités, Zouleikha est déportée en Sibérie dans une colonie nouvelle à fonder avec l'aide d'une poignée d'autres exilés dénutris et traités plus mal que des bêtes à l'abattoir.

La plume de Gouzel Iakhina est fascinante, son récit est à la fois d'une terrifiante réalité et d'une improbable poésie. Les descriptions de la nature aussi hostile que nourricière sont formidables et lyriques. le rythme du roman donne au temps toute sa densité, ses longueurs telles que ressenties par les prisonniers de Sibérie - dans une bien moindre mesure. La figure de l'officier Ignatov offre quant à elle un contrepoids parfait pour appréhender les changements de mentalité d'un point de vue politique, économique et sociétal.

Le récit est d'une grande violence, tant physique que psychologique. On ressort de cette lecture informé et effrayé, on se frotte les yeux d'incrédulité tout en sachant que l'histoire de Zouleikha est le reflet de toute une génération de Russes, victime du stalinisme.

"Zouleikha ouvre les yeux" me (pour)suivra longtemps dans mon imaginaire. Roman historique, roman social, roman d'amour, roman de résistance, récit documentaire autant qu'oeuvre profondément romanesque, les images et les destins que son autrice a dessinés pour les lecteurs sont d'une rare qualité, de celle qui marque ou traumatise les spectateurs.


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Challenge MULTI-DEFIS 2024
Challenge PLUMES FEMININES 2024
Challenge PAVES 2024
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Brillantissisme, c'est le mot qui convient pour parler de ce roman.
Comme le dit Ludmila Oulitskaïa dans la préface :
"Le roman Zouleikha ouvre les yeux est un magnifique début. Il a une qualité essentielle à la vraie littérature : il nous va droit au coeur.

Je partage pleinement ce commentaire, de plus l'écriture de Gouzel Iakhina nous emporte , nous transporte, nous berce, nous réconcilie avec le mal généré par les hommes eux-mêmes.

Le premier chapitre qui nous présente la vie de cette jeune paysanne tatare: Zouleikha est terrifiant par la maltraitance que subi cette femme par son mari et sa belle-mère.
Mais, il est aussi magique par l'évocation de cette nature austère, glaciale et pourtant qui fait vivre les hommes.
Quelle émotion nous aspire quand après une dure journée de labeur, la quête de Zouleikha se réalise, pouvoir rendre hommage aux esprits pour qu'ils protègent ses quatres filles disparues prématurément.
Dès lors, la lecture du roman nous happe, nous aspire sans trêve jusqu'à la dernière page.
Nous suivons l'arrachement de Zouleikha à sa terre, à ses croyances, à sa culture.
Pour se fondre dans l'immense masse des ces "dékoulakisés", qu'on traîne dans un train dans un voyage éprouvant pour aller vivre dans une colonie de travail en Sibérie.
Gouzel Iakhina est une grande dame de la littérature, incontestablement et tout comme Ludmila Oulitskaïa je la félicite pour son magnifique premier livre.

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Ce roman est celui d'une double transformation. Celle de Zouleikha et Ignatov, et celle de la Russie qui sous le joug stalinien va subir le démantèlement de son monde paysan dont l'équilibre tenait par sa solidarité pour aboutir à la dictature. Une politique aussi destructive qu'absurde dans laquelle la notion de collectif,loin de favoriser l'horizontalité et l'égalité ancre une hiérarchie axée sur la peur,la délation et l'abus de pouvoir.
Zouleikha est une toute jeune fille tatare mais déjà mariée et dans le deuil de quatre filles. le début du roman nous décrit une existence de soumission proche de l'esclavage entre son mari et sa belle mère. Condition de vie dont elle ne mesure même pas la violence estimant même avoir la chance d'être mariée à un homme qui ne la bat pas. Cette première partie m'a définitivement attachée à cette jeune femme qui n'est désignée par sa belle mère que comme une poule mouillée alors que j'étais admirative de son courage!. Elle doit ouvrir les yeux. Tout d'abord c'est l'injonction quotidienne de sa belle mère qui la tire du sommeil dès l'aube pour qu'elle vienne vider son pot de chambre. Mais ce sera aussi plus symboliquement pour s'adapter au nouveau monde dans lequel elle sera projetée,et aussi pour prendre conscience de son vécu,des superstitions et croyances qui l'enferment et la culpabilisent en l'empêchant de s'affirmer.
L'histoire commence en 1930, son mari refuse d'intégrer un kolkhoze et ils se font surprendre alors qu'ils viennent de cacher leur blé pour échapper à la réquisition. Son mari est tué sous ses yeux par Ignatov,soldat engagé sans le moindre doute ni scrupule dans la dekoulakisation . Commence alors le long périple de la déportation pour Zouleikha. D'abord dans des wagons à bestiaux, survivant à la faim,au froid,la peur. Voyage durant lequel elle découvre qu'elle est enceinte. Puis la péniche avec les survivants de ce convoi et enfin l'arrivée en Sibérie dans une nature hostile. Pendant un an,sous le commandement intransigeant d'Ignatov,ils vont survivre. Puis de nouveaux réfugiés vont venir et tout un village va se construire d'années en années. J'ai assisté au cheminement de cette jeune fille avec intérêt et émotion , notamment dans l'amour qu'elle porte à son fils . Les émotions troublantes qu'elle ressent de plus en plus pour leur commandant Ignatov m'ont tout d'abord fait penser au syndrome de Stockholm. Mais la transformation de cet homme qui veut assumer ses responsabilités politiques mais avant tout humaines, a modifié mon regard. Ce qui se passe est bien plus sensible et émouvant.
C'est un roman très riche qui nécessite une lecture exigeante car Gouzel Latkhina ne se contente pas de nous raconter une jolie romance. Elle nous fait vivre un pan de l'histoire russe avec ses faits politiques mais aussi en nous plongeant dans les traditions et la culture tatares. Ce qui demande donc un écrit documenté,précis et passionné.
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