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Critique de LePalaisdeLaurent


On dit que lorsqu'il est blessé, un canard sauvage préfère s'enfoncer au fond de l'eau et rester accroché de toutes ses forces aux algues et au varech plutôt que de survivre diminué. Pourtant, un tel animal, rescapé d'une chasse, vit au fond du grenier des Ekdal qui représente une ridicule parodie de forêt. Et le volatile qui donne son nom à la pièce d'Ibsen est au centre de toutes les attentions, à commencer par celles du vieil Ekdal, jadis lieutenant et vaillant chasseur d'ours aujourd'hui réduit à tirer des lapins dans son grenier transformé en basse-cour, mais aussi de sa petite fille Hedvig âgée de quatorze ans. Hjalmar, le père, photographe raté qui n'a pas même conscience de l'être, va quant à lui voir sa vie basculer en retrouvant son vieil ami Gregers, idéaliste intégriste de la vérité qui finira par semer les germes de la mort dans une famille qui se croyait pourtant heureuse...
À travers cette oeuvre étrange et cruelle, créée en 1885, s'entrecroisent les destins de deux familles autrefois prospères et proches, mais dont l'une a subi la déchéance. Et l'on découvre au fil des cinq actes que compte cette pièce une galerie de personnages torturés, remplis de failles, voire débauchés (outre Hjalmar, Gregers, le grand-père, le docteur Relling ou le "diabolique" théologien Molvik ne sont pas mal non plus !) au milieu desquels le fameux et en même temps mystérieux canard sauvage devient la métaphore centrale d'une existence qui ne peut subsister qu'au prix de la négation de son essence même.
Proposant une vision du monde sombre et pessimiste au possible, mais où l'humour (noir !) n'est pas absent pour autant, ce drame de l'auteur de Peer Gynt est aussi une critique de la société norvégienne de la fin du XIXème siècle tout autant que des prêcheurs idéalistes qui ne créent que le mal en voulant faire le bien.
Cette pièce subtile et complexe, où s'entrecroisent de multiples niveaux de lecture, fut pour moi un choc marquant tant elle suscite des réflexions intemporelles sur notre société. le mensonge vital, comme la fausse forêt-grenier des Ekdal, est-il la seule voie viable face à une vérité trop cruelle et à la médiocrité de l'existence ? L'innocence, représentée par la jeune Hedvig, comme le canard sauvage, peuvent-ils survivre face à la folie du monde qui les entoure ?
La réponse de l'auteur norvégien pourra faire peur, mais que ce texte est fort... et beau... malgré la noirceur.
L'illustration de couverture de l'édition française GF reprend un détail d'une peinture de Munch intitulée "Jeunes gens et canards".
Lien : http://laurent.femenias.free..
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