La première pièce que j'ai lu de
Henrik Ibsen est
Une Maison de Poupée, qui m'avait beaucoup plu, et qui se rapprochait d'une ambiance classique autant que moderne. J'ai toujours connu l'oeuvre d'
Edvard Grieg,
Peer Gynt et ses très célèbres ‘Au matin', ‘Dans l'antre du roi de la montagne' ou encore ‘La chanson de Solveig' (un de mes morceaux préférés, chanté par Anna Netrebko notamment). Mais je n'ai découvert que bien plus tard qu'en effet toutes ces pièces musicales servaient à être jouées par-dessus une prestation théâtrale de la pièce en question ; j'ai alors découvert
Peer Gynt d'
Henrik Ibsen, pour découvrir l'oeuvre que je connaissais sans la connaître réellement.
Dans cette pièce, nous allons suivre le personnage de
Peer Gynt, un jeune norvégien issu d'un milieu modeste. Elevé par une mère protectrice mais souvent fatiguée des bêtises que fait son fils, Peer est simplet et ne réfléchis pas toujours à ce qu'il fait. Un jour, lors d'un mariage auquel il assistera, il se décide de kidnapper la mariée, Ingrid, et de se réfugier avec elle dans les montagnes. Alors que tout le monde part à sa recherche, lui entamera une odyssée qui lui fera parcourir les mondes.
Cette pièce se situerait à la limite de ce que j'appellerais une « pièce-monde ». On suit le personnage principal dans sa région natale, un évènement se produit, et suite à cela un pèlerinage apparait. C'est une pièce d'une très grande perplexité narrative et scénique également – car elle se lit comme un roman, ce doit être immensément difficile à mettre en scène ! A travers les actes,
Peer Gynt devient de plus en plus âgé : d'un jeune homme au premier acte à un vieillard dans le cinquième et dernier acte. On le suit à travers différentes parties du monde : son pays natal, les montagnes des trolls, le Maroc, les mers… Cette pièce ne respecte aucunement les règles de bienséance servant à la bonne compréhension et la bonne réalisation d'une pièce de
théâtre classique. Elle est très complexe scéniquement, de façon à retenir le nombre incalculable de personnages, mais également d'un point de vue narratif, où les contes et légendes folklorique norvégiens font partie intégrante des discours des personnages, ou encore des lieux visités.
L'oeuvre d'
Ibsen nous présente le personnage de
Peer Gynt comme le parfait anti-héros. Benêt, irréfléchi, irresponsable, buté, menteur, manipulateur, opportuniste et j'en passe. Il a tout du personnage pénible et lourd à suivre, et ce pendant une longue partie de la pièce. Mais à force de suivre le personnage, à force de le voir évoluer, l'oeuvre elle-même évolue, jusqu'à devenir peut-être une sorte d'oeuvre initiatique. le personnage ment, et se ment à soi-même, c'est probablement le fil rouge de toute cette histoire.
Ce texte tient rôle d‘un superbe poème dramatique qui devient ensuite poème/récit épique. Un texte tragique aux multitudes de personnages, dont on ne comprend pas toujours les messages, parfois implicites seulement, parfois symboliques ; tout cela se veut d'une drôlerie qui prend des teintes différentes au fil des actes et « scènes ». Une pièce poétique qui se veut suivre tout un monde, tout un univers, autant réel qu'onirique, autant onirique que fantastique… Je pense qu'il n'y a pas de bonne ou de mauvaise façon de lire le texte, l'auteur lui-même ne savait que déduire de son oeuvre : pour nombre de lectures, il y aura nombre d'interprétations, et nombre d'aventures.
C'est un monde plein d'onirisme, de folklore nordique, de légendes, dans lequel nous plongeons. C'est un monde où les trolls se marient avec des humains, où des humains se transforment en troll. C'est un monde dans lequel le sphynx parle et où les déserts se font amusants. C'est un monde où le vent parle, la rosée chante, les foins meuglent et les herbes débattent. C'est un monde où la mort prend forme humaine et traite d'une sacrée métaphore que le fait de mourir est comme la refonte d'un bouton. le monde de
Peer Gynt est fou, l'auteur lui-même a dit que cette pièce de
théâtre est ce qu'il a écrit de plus fou : les mondes s'entremêlent et passent devant nos yeux.
Le récit se voudrait presque cyclique et sans fin, avec ces différents retours au pays natal, ces différents voyages dans le monde entier – et même les mondes légendaires –, avec ces différentes retrouvailles de personnages… Aussi, les allers-retours face à la mort donnent l'impression d'une vie sans cesse retrouvée et jamais terminée ?
Cette pièce apporte un puissant message sur l'importance du soi en tant qu'individu. Que l'individualisme doive parfois se réaliser pour que l'on puisse se retrouver. Il y a une puissante affirmation dans la pièce qui nous dit de façon inversée que si l'on se perd afin de trouver le monde, nous sommes en réalité perdus. L'importance de notre spécificité rentre en première ligne de la vie pure que nous devrions vivre.
Peer Gynt n'évolue pas dans un sens où il passe d'antihéros à un homme bon et sain, mais ce personnage évolue car il arrive à un stade où il finit par savoir qui il est, et que cela résoudra toutes les questions de son existence. le personnage de
Peer Gynt est très humain, il ne devient pas nécessairement vertueux et sage, mais il apprend à se connaître ; c'est probablement la plus claire des affirmations philosophiques que contient cette pièce magistrale.
Cette pièce, assez méconnue du corpus théâtral classique, mais tout de même connaissable grâce à la pièce musicale d'
Edvard Grieg, prend des tournures de « pièce-monde » au coeur du folklore norvégien afin de nos donner des clés philosophiques sur l'importance du ‘soi' et de l'auto-connaissance. Nous partons dans un monde onirique, magique et fou, à la recherche de nous-même. {17}
Lien :
https://clemslibrary.wordpre..