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Critique de Lenocherdeslivres


La Terre a subi un méchant coup sur la tête. Et les êtres humains ont sacrément morflé ! Il en reste, dispersés à la surface du globe, mais pas des quantités phénoménales. Et ils continuent à se chercher des poux dans la tête, malgré l'environnement devenu sacrément hostile. Un groupe de joyeux drilles, les Flibustiers de la mer chimique, écume les océans à la recherche d'aventures, de butin et d'un fabuleux trésor, l'Azote bleu.

Le moins que l'on puisse dire, c'est que Marguerite Imbert ne ménage pas son lecteur. Au début du roman, on est balancé dans une histoire qu'on ne maitrise pas, sur une Terre qu'on ne reconnaît pas tellement, au milieu de conflits qu'on ne comprend pas. C'est un poil brutal, mais parfaitement censé et justifié. Je me suis accroché quelques pages et c'est allé tout seul très rapidement. Et bien m'en a pris, vraiment, car ce roman, même s'il paraît un peu foutraque, surtout au niveau de ses personnages, est bourré de trouvailles et se montre très agréable à lire. Reprenons au début.

La planète est telle que nous l'imaginons dans quelques dizaines d'années, massacrée par nos mauvais traitements. Les mers sont polluées et transformées en masses acides dans lesquelles il ne faut pas tomber. Sauf si l'on veut un nettoyage de la peau assez radical. Les causes de tout cela semblent assez évidentes : pollution et surconsommation. Logique ! Mais on sent rapidement que derrière cette évidence se cache quelque chose de plus vaste. Il nous faudra avancer très loin dans le roman pour réellement comprendre ce qui transparaît tout au long de l'histoire. Et quelle est la cause réelle de cet état de faits. En attendant, le tableau est déprimant. D'autant que les femmes et les hommes ne sont pas parvenus à se rassembler pour tenter de reconstruire une société viable. Les vieilles habitudes ont repris leur cours : guerres d'egos, de croyances. Les Romains, derrière la Métareine (ce nom me fait automatiquement penser à la série de l'Incal, avec la caste des métabarons), prônent la solidarité. Mais tous ne partagent pas son combat.

Entre autres les Flibustiers de la mer chimique, ainsi qu'ils se surnomment. Ils sont dirigés par Jonathan, un capitaine complètement frapadingue, mais assez génial dans son domaine, très bon tacticien, pas encore sorti de l'adolescence, ce qui vaut de sacrés moments de délire pendant la lecture. Fan de jeux vidéo, il a appelé son sous-marin Player Killer et impose chaque jour une plage musicale à son équipage. La playlist est à faire frémir… ou pas, selon les goûts de chacun. Mais sa folie et son enthousiasme sont contagieux. Et cela fait du bien d'avoir un capitaine de sous-marin moins compassé que le Nemo de Jules Verne. Malgré une mégalomanie semblable, leurs tonalités sont bien différentes. Cependant, son caractère n'arrange pas les affaires d'Ismaël, qui s'est fait capturer et enfermer sur le Player Killer avec deux compagnons. Or, il avait une mission capitale à effectuer pour le compte de la Métareine.

Loin des mers polluées, Alba voit sa routine bouleversée. Jusqu'ici elle vivait seule dans sa grotte avec comme seule amie une chauve-souris. Mais c'était plus prudent, car ceux de son espèce sont pourchassés : les graffeurs, qui dessinent le passé et sont, en quelque sorte, la mémoire des sociétés disparues, ne sont pas appréciés par tout le monde. Certains les exécutent sans hésitation. Or, Alba est enlevée par une troupe de guerriers, appelés Étoilés (rapport à une cicatrice de cette forme au niveau de la bouche), les hommes de Jéricho, allié à la Métareine. Elle ignore la raison de ce rapt : veulent-ils la ramener à Rome pour l'exécuter en place publique et servir ainsi d'exemple ? Veulent-ils la dévorer (la nourriture est plus rare que de nos jours et le cannibalisme a refait surface) ? Mais elle comprend rapidement que tout cela n'est pas dû au hasard et que c'est bien elle qui était recherchée. Cela aurait-il un rapport avec la masse de connaissances emmagasinée dans son cerveau ? de toute façon, elle n'est pas tout à fait en état de comprendre ce qui se passe, ce qui change de sa routine. À force de vivre toute seule et de prendre certaines drogues (généreusement fournies par son oncle quand il était encore en vie), elle manque de lucidité, se parle toute seule (même si d'autres sont là pour entendre ses réflexions, pas toujours amènes pour son entourage – moments jubilatoires). Avec Jonathan, le chef des pirates, elle fait la paire. Comme ils apparaissent dans des chapitres en alternance, on passe d'une folie à une autre, d'une exubérance à une autre. Et c'est carrément réjouissant, bien qu'un peu perturbant au début. Car leur grain de folie est tout de même costaud. Et les suivre demande un certain laisser-aller. Mais très vite, j'ai adoré leurs échanges avec leur entourage, leurs répliques libres de toute contrainte. Quelle fraîcheur ! Marguerite Imbert semble s'en donner à coeur joie. Et nous aussi.

Une fois de plus, je préfère m'arrêter avant d'en révéler trop car, comme souvent, mais c'est très vrai ici, la découverte et la compréhension de l'univers imaginé par l'autrice est un des grands plaisirs de cette lecture. Les Flibustiers de la mer chimique est le premier roman de Marguerite Imbert que je lis (elle a également publié, aux éditions Albin Michel, Qu'allons-nous faire de ces jours qui s'annoncent ?, roman qui se situe dans le contexte de la lutte autour de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes) et, je pense, ce ne sera pas le dernier tant il m'a surpris par sa vivacité et son côté irrévérencieux, plein de folie et, en même temps très réfléchi. Une bouffée de fraîcheur, pleine de gaz toxiques, sacrément vivifiante et bienvenue.
Lien : https://lenocherdeslivres.wo..
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