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Critique de Biblioroz


Se couper de l'ébullition auditive et visuelle de la ville, de la luminosité artificielle permanente de Tokyo, voilà le souhait de la narratrice de ce roman. Elle décide de se réfugier dans la maison qu'elle a fait construire pour ses vacances, située sur une péninsule entre océan et forêt. Trouvant le temps des vacances trop court et restrictif, elle y restera cette fois près d'un an. Depuis son installation à Tokyo, la certitude de continuer à y vivre, entre sorties et boutiques offertes par la métropole carnivore, n'avait pas encore été mise en doute jusqu'au tournant d'une nouvelle décennie. À quel choix aboutira cette parenthèse ?

Dans ce paysage naturel sur lequel la trace de l'homme se limite aux poteaux électriques, elle va savourer les émotions que chacun de ses sens en éveil lui apporteront.
Dans ce décor hérissé de falaises blanches déchiquetées par la mer et le vent, elle parcourt les plages, écoute et respire la mer. Elle sent sous ses pieds les ères successives à l'origine des strates géologiques de ce sol qu'elle foule chaque jour. Entre forêt, terrains marécageux et terres en friche où bambous, roseaux et carex s'égaillent dans l'humidité des lieux, la beauté saisissante de cet environnement la traverse paisiblement.
Elle va tendre l'oreille pour tenter de capter les petits bruits nocturnes venant de la mer. Sont-ils dus à de discrets déplacements frôlant le rivage ? Un défilé de crabes ou de tortues ? Ou plus fantaisiste dans la tête de notre narratrice, d'huîtres imaginaires dotées de minuscules pattes ?
Avant l'arrivée imminente du petit matin, les oiseaux poussent leur premier chant dans la forêt voisine et précèdent les rencontres avec les différents végétaux qu'elle croise chaque matin sur le chemin en pente menant à la mer. On s'arrête à ses côtés pour capter un rayon de soleil sur un massif d'azalées qui offrent leur doux sourire à un petit coin de forêt ou pour accrocher le jaune éclatant des iris tapissant le marais.

Alors qu'elle s'arrêtait peut-être en surface au cours de ses brefs séjours, cette fois-ci, c'est en pleine conscience, en profondeur, qu'elle arpente ce petit bout de terre. La nature comme les gens, ses proches comme ses voisins, auront toute son attention.
Une visite de sa mère. Cette dernière allongera son séjour pour admirer la lumière féérique des lucioles tout en s'essayant aux haïkus.
L'intérêt pour ses voisins, essentiellement des retraités aux vies tranquilles, s'aiguise. D'eux, elle remplira sa marmite de pousses de bambous offertes, admirera le jaune doré du miel fraîchement mis en pot et visualisera le travail des abeilles dans les ruches bourdonnantes.
Au fil de cette lecture contemplative, on sent croître chez notre narratrice, et par ricochet chez le lecteur attentif, un attachement profond à cette péninsule.

Prêter l'oreille, respirer, contempler, suivre le calendrier à l'ancienne rythmé par les cycles lunaires assimilés à autant de saisons. Elle notera les évènements de chaque tranche saisonnière, les plantes qui pointent leur nez, les récoltes du moment, les graines à semer ou les confitures à mitonner.
De la même manière que les saisons sont fragmentées, elle complètera ses cinq sens trop restrictifs à son goût par d'autres sensations.
Ici, pas de mièvrerie qui conduirait à idéaliser la campagne et à condamner la ville. C'est un roman plutôt objectif, une analyse personnelle dont la narratrice a senti le besoin à ce moment de sa vie.

Ce roman incite à prendre le temps d'aller au fond des choses, de ne pas céder à la course folle qui nous fait juste frôler la surface de ce qui nous entoure et arriver à la fin sur notre faim car rien n'a été approfondi, savouré, contemplé et ressenti à sa juste valeur. Une parenthèse bénéfique et enchanteresse, à lire, à vivre.
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