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Critique de kielosa


J'étais vraiment curieux d'apprendre d'un serieux journaliste comme Ahmet Insel, ancien éditorialiste du Cumhuriyet (un peu le Monde turc), ce que Recep Tayyip Erdogan pouvait avoir comme qualités, car personnellement je n'en voyais pas beaucoup, plutôt le contraire. Essayant de corriger mes préjugés et antipathies, j'ai décidé de compulser son ouvrage "La nouvelle Turquie d'Erdogan" avec la plus grande ouverture d'esprit dont je suis, en l'occurrence, capable.

Pour dissiper un relent de résistance, j'ai d'abord vérifié que je ne m'étais pas trompé d'auteur avec Ahmet Insel. Eh non, Insel c'est du solide. Né à Istanbul en 1955, diplômé en économie à la Sorbonne, professeur émérite de l'université de Galatasaray (Istanbul ), coordinateur à la maison d'édition qui a publié les oeuvres du Nobel Orhan Pamuk, défenseur d'un accord pacifique avec les Kurdes et de la reconnaissance du génocide arménien. À ce propos, il a écrit "Dialogue sur le tabou arménien" et collaboré avec Michel Marian à l'ouvrage "Le génocide arménien : de la mémoire outragée à la mémoire partagée". On peut donc lui faire confiance.

L'auteur explique l'avènement, en 2002, du parti d'Erdogan, l'AKP (Parti pour la justice et le développement), créé un an avant sa victoire aux élections. Les raisons de ce succès sont multiples, mais essentiel étaient la grosse magouille, la corruption et l'instabilité politique. le progrès économique dont le pays a profité au début de son règne, ainsi que l'islamisation de la société et de l'État ont grandement contribué à sa popularité. Mais une fois arrivé au plus haut point de son pouvoir, la situation s'est vite détériorée. Si au début il n'était que premier ministre de ce pays de presque 80 millions d'habitants, il en devint vite président avec un premier ministre, puis depuis l'année dernière même sans. le coup d'État avorté du 15-7-2016 lui a permis une véritable mainmise sur son pays : liquidation virtuelle de toute opposition et de liberté d'expression et arrestations à grande échelle. Une politique étrangère fantaisiste, qui lui a coûté tout crédit en Europe et une genuflexion devant Poutine, pour ne pas se trouver complètement isolé sur le plan diplomatique. La dernière phrase est de mon cru, car personnellement je ne suis toujours pas convaincu qu'il ne fût pas d'une ou autres façons derrière ce fameux putsch. C'est peut-être un peu naïf de ma part, mais à qui ce crime a profité ? Sûrement pas à son ex pote, Fethulah Gülen, qui il en a accusé !

Le livre compte 9 chapitres dont les titres ne laissent guère de mystère sur son contenu : les facteurs d'ascension et l'origine de l'AKP, les métamorphoses de l'islam politique, l'AKP comme parti dominant, conservateur et autoritaire, Erdogan comme le nouveau puissant de la Turquie et le coup d'État comme "une grâce de Dieu". Fort utiles sont les repères chronologiques en fin de volume.

J'ai commandé un autre livre d'un journaliste turc, Kadri Gürsel, "Turquie, année zéro", bien que j'ai des doutes si je vais apprendre encore beaucoup après lecture de l'oeuvre de son ancien collègue au Cumhuriyet.

Ahmet Insel a écrit un ouvrage intéressant et instructif, bien argumenté et documenté, mais je reste d'avis que si Erdogan-le-Magnifique s'occupait un peu moins de sa propre gloire et de son rôle sur la scène mondiale, ça irait beaucoup mieux pour le monde et surtout pour les Turcs.
Un petit conseil, Excellence, : prenez votre retraite, achetez-vous une jolie résidence dans une île du Bosphore, lisez votre compatriote Orhan Pamuk et laissez tomber la politique, qui de toute façon n'est clairement pas votre fort. Et surtout n'oubliez pas de libérer votre homonyme, Asli Erdogan, et tous les autres intellectuels, en prison à cause de vos caprices.
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