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Critique de Nastasia-B


Nous avons toutes et tous des interprétations diverses de ce que nous lisons ou voyons au théâtre ou ailleurs. La critique, en soi, n'est que l'expression de cette diversité de perception qui est nôtre. Lorsque le texte est équivoque ou sujet à interprétation, comme ici, les critiques peuvent être extraordinairement différentes les unes des autres.

Je ne prétends donc nullement m'astreindre à une quelconque illusion d'objectivité. Non, je vais simplement vous livrer mon interprétation de ce texte, et ça vaudra ce que ça vaudra.

Tout d'abord, il me semble que cette pièce d'Eugène Ionesco est très fréquemment proposée en association avec La Cantatrice chauve, dont le titre original aurait dû être, « L'Anglais sans peine ». Dans cette pièce, l'absurde me paraissait provenir des incongruités émanant du fait de s'entraîner à vide à débiter des phrases dans une langue étrangère.

Il y était donc déjà question d'apprentissage et l'auteur s'ingéniait à révéler tout l'absurde qu'il pouvait y avoir à apprendre des phrases stéréotypées sortie de tout contexte de communication.

Ici, nous avons affaire à une jeune étudiante qui vient, elle aussi, prendre des cours particuliers auprès d'un professeur apparemment renommé.

Le comique, l'ironie, la tragédie de notre époque sont peut-être déjà contenus rien que dans cette situation. Si j'observe autour de moi, je vois des tas de jeunes personnes, pleines de vie, pleines d'énergie, pleines d'allant, qui voudraient simplement FAIRE et auxquelles on demande de PROUVER tout un tas de choses avant même d'avoir essayé.

« Vous voulez travailler chez nous ? — Oui. — Avez-vous de l'expérience ? — Bah non, je débute. — Revenez quand vous aurez de l'expérience. »

« Vous voulez vivre comme tout le monde ? — Oui. — Avez-vous un certificat de naissance ? — Non, mais je peux vous assurer que je suis bien né un jour. — C'est possible mais ça ne suffit pas, il faut un certificat. »

« Vous voulez devenir athlète de haut niveau ? — Oui. — Quelle discipline ? — le 100 m. — Avez-vous un diplôme ? — Non. — Désolée ! ça ne va pas être possible. »

« Bravo ! Vous venez de réussir avec brio le concours d'entrée en médecine. — Merci. — Vous savez tous et toutes, vous qui allez être amenés à exercer la médecine, que les principales qualités attendues chez un praticien sont l'écoute, l'humanité, l'empathie… Au fait, comment avez-vous été recrutés ? — Par QCM. »

Alors bien évidemment, je grossis peut-être un peu le trait mais, quand on y regarde de près, peut-être pas tant que ça : la vie moderne est absurde et Ionesco n'a presque pas besoin de la travestir pour la rendre telle.

Voici donc une étudiante, allégorie de la jeunesse, avec des carences culturelles et logiques inimaginables, qui souhaite obtenir en un mois un doctorat total. En face d'elle, nous avons un professeur, qui représente peut-être le système ou les institutions, incompétent et lubrique, avec lequel elle n'a aucune chance d'apprendre quoi que ce soit. Enfin, nous avons une servante, qui symbolise vaguement la société, et dont la morale ne s'insurge que très faiblement devant les agissements déviants du professeur…

L'interprétation de tout ceci ? L'école et les diplômes sont peut-être un gigantesque miroir aux alouettes pour la jeunesse car les échelons se gravissent selon d'autres procédés.

Le rapport de force entre les fringantes illusions de la jeunesse et les respectables institutions n'est jamais ce qu'il paraît être au départ. L'une brisera l'autre invariablement et la société qui est témoin de cela s'en fiche éperdument.

Bien entendu, cela n'est que mon interprétation et il peut y en avoir des millions d'autres, plus à votre convenance, plus à votre sensibilité, plus à votre goût et qu'il vous appartient de vous forger par vous-même.

Pour le reste, un ressenti moyen en ce qui me concerne, avec des passages vraiment drôles et jubilatoires, mais avec d'autres plus quelconques voire assez tirés par les cheveux et qui ne recueillent pas trop mon adhésion. Mais bien entendu, aujourd'hui comme toujours, ceci n'est que mon avis et la seule leçon à en tirer, c'est qu'il ne signifie pas grand-chose.
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