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Critique de Lutopie


Contrairement à la jeune élève de 18 ans (bien fraîche la jeune élève), je suis bien incapable de calculer "trois milliards sept cent cinquante-cinq millions neuf cent quatre-vingt-dix-huit mille deux cent cinquante et un, multiplié par cinq milliards cent soixante-deux millions trois cent trois mille cinq cent huit" de tête. Par contre, je m'en sors pas trop mal avec les soustractions mais elle, elle se refuse de soustraire les nombres aux autres, parce qu'elle préfère l'intégrité, ce qui a toutes ses parties, ce qui est intact, sain. La leçon du professeur a pour objectif de tout dés-intégrer. le professeur considère qu'elle n'a pas les bases requises en arithmétique aussi détruit-il tout ce qu'elle sait pour faire "table rase", peut-être pour repartir sur de meilleures bases, sauf qu'entretemps, elle s'affaiblit de plus en plus, il la perd de plus en plus. Elle perd de plus en plus ses forces, son énergie ; elle ne peut plus se concentrer, le professeur s'énerve et gagne de plus en plus de force, d'énergie (comme l'indique la longue didascalie de Ionesco pages 109-111). C'est comme si le professeur vampirisait son élève, comme s'il lui prenait toute ses ressources pour satisfaire sa soif de puissance, pour inverser les rapports soumission-domination que son statut de professeur vieillissant et son statut à elle de jeune fille bien élevée instaurent d'entrée de jeu. Il sera de plus en plus autoritaire, tyrannique, elle sera de plus en plus soumise au professeur, jusqu'à l'indécence. Elle s'abandonne tellement à la fin qu'elle s'en caresse le cou, la gorge, les seins, les cuisses ...
La jeune fille bien élevée devient mal élevée, épuisée qu'elle est par la leçon ludique du professeur lubrique.

Le symptôme de l'esprit malade, c'est cette rage de dents qui s'intensifie, de plus en plus. Elle se plaint, elle souffre. Mais qu'on l'achève ! On regrette que le professeur ne soit pas dentiste, qu'il ne les arrache pas, les 32 dents dévitalisées.
Pourquoi a-t-elle mal aux dents ? Parce qu'à l'issue du cours d'arithmétique (où le professeur l'embrouille tellement qu'il la perd), ils se lancent tous deux ou plutôt non, il se lance tout seul, dans un cours de linguistique et qu'il entame avec la base de la base : la phonétique. C'est marrant parce que les cours de phonétique me faisaient, de même, grincer des dents. D'ailleurs je me souviens qu'on nous a distribués sur les bancs de l'université des photocopies où on voit nettement la position de la langue à bien placer dans sa bouche, la position des dents avec en légende les sons, sortant de tel ou tel endroit du corps ( il y a les labiales, les nasales et tout le reste). Et puis on nous explique comment bien respirer etc. Je me rappelle qu'à l'époque, je me suis demandée si j'étais en lettres ou en médecine. Je n'y comprenais STRICTEMENT RIEN. En conséquence de quoi, je me sentais vide, comme si j'avais un singe jouant des cymbales dans mon cerveau, non plus vide que ça en fait. Comme si on aspirait mon âme, comme si on me volait mon énergie vitale ... J'étais complètement déconnectée de la leçon, de la réalité, de la vie. Bref, je soupçonne mon professeur de l'époque d'avoir dissimulé un couteau imaginaire dans sa sacoche ... Heureusement je n'étais pas seule avec lui dans la pièce, j'ai pu m'en sortir ... Il n'empêche que je m'amuse bien maintenant en relisant la Leçon ; ça me rappelle de vieux souvenirs.
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