Parfois, la ville m'écrase. Je détecte chaque carburateur ayant besoin d'un réglage. Chaque poisson un jour moins frais que le prétend le marchand. Le métro sous mes pieds me fait l'effet d'un monstre grimpant le long des tibias. Chaque grincement de frein est une aiguille dans mes tympans, un son si vif qu'il a des couleurs.
Qu'est un héros sans un vilain ? Dans ton cas, un pauvre aveugle. Seul avec ses souvenirs et ses rancunes. Un enfant blessé n'ayant jamais voulu grandir. Excuse l'expression mais j'espère que tu verras que je t'ai fait un cadeau. Je t'ai appris à douter à nouveau. Et sais-tu ce qui ne peut exister sans le doute ? L'espoir.
Là où l'on peut s'isoler du monde extérieur, c'est chez soi, en principe. Pas moi. J'entends chaque souris dans les murs, chaque battement de coeur de mes voisins. Je sais avant elle qu'une femme est enceinte. Un vieux chinois m'a enseigné la méditation. Parfois, ça rend la ville supportable. Mais parfois, je n'arrive pas à faire le vide. Comme ce soir. Fine couche de glace sur des eaux profondes. Si je pouvais atteindre le fond, je me reposerais. Je rêve d'un havre de paix. Mon chez-moi est une prison dans ma tête.