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Critique de colimasson


Eloge du paganisme, ce manuel aiguise ses arguments en s'établissant contre le catholicisme.


Puisqu'il est ici question de manichéisme, revenons-en à ses déclinaisons. Alors que le catharisme s'est distingué du catholicisme en exacerbant la dualité de l'esprit et du corps, proposer d'utiliser les qualités du premier pour mettre fin aux qualités du second afin que, de vie matérielle sur terre – allégorie de l'enfer – il n'y ait plus, le paganisme que nous dépeint Thibault Isabel est une forme de contestation inverse basée sur le regret que le catholicisme ne manifeste pas davantage les joies de la matérialité. Thibault Isabel, refusant au christianisme le dogme du péché originel, estime en effet que l'homme est bon par nature et qu'à condition de vivre dans un équilibre du corps et de l'esprit, il trouvera par lui-même la voie du Bien.


La nécessaire définition de l'idée qu'entend Thibault Isabel dans son emploi du terme de « paganisme » est donnée en début d'ouvrage. « le mot paganus a donné en français les termes « païen » et « paysan » » et les deux déclinaisons du terme seront prises en compte. En défendant le paganisme, Thibault Isabel poursuit une forme de défense de la marginalité poursuivant le Bien selon la règle de l'intelligence, et non de la soumission aux dogmes établis – mais quelle idée sous-tend la présupposition selon laquelle intelligence et acceptation du credo seraient incompatibles ? le paganisme désigne ainsi, dans cet ouvrage, toute religion non révélée dépourvue de croyance métaphysique mais également l'état d'esprit de l'homme enraciné en son terroir, considéré ainsi comme source d'un savoir de l'éternel, qui s'oppose à l'obéissance inconditionnelle au dogme, considéré comme temporel.


« le paganisme ne repose pas sur une foi, sur un Créateur qu'on ne voit pas et auquel on devrait cependant croire, mais sur un certain rapport à l'existence », écrit encore Thibault Isabel. Il devient rapidement clair que la comparaison entre le paganisme et le christianisme n'a alors pas de raison d'être puisqu'il s'agit d'une part d'une « esthétique de vie » rattachée au monde matériel et de l'autre d'une religion et d'une métaphysique, n'excluant pas le monde matériel mais ne s'y limitant pas. La description faite du paganisme est extrêmement élogieuse, mais elle ne fait l'objet d'aucune forme d'argumentation : « le courage, le sens de l'honneur, la loyauté, le respect de la parole donnée, la générosité et l'exigence illustrent quelques-unes des vertus païennes les plus importantes ». Pour un peu, l'esprit taquin, nous pourrions supposer que l'approbation que nous faisons porter à des qualités telles que le courage, le sens de l'honneur, etc. est un pur produit du christianisme – en tout cas, celui-ci ne s'y oppose pas. La modernité sont des idées chrétiennes devenues folles, disait encore plaisamment Chesterton.


La lecture progressant, il devient de plus en plus évident qu'à travers le paganisme, Thibault Isabel ne semble parler que du christianisme, bien qu'il l'ignore, puisqu'il réduit celui-ci à la religion d'État. Ainsi ne pourfend-il pas la religion en elle-même mais les aspects sous lesquels elle transparaît lorsque, récupérée par certains hommes, elle se fait enjeu de pouvoir et de domination. le paganisme dont parle Thibault Isabel n'est en effet qu'une façon de se trouver lié à l'existence d'une façon esthétique et de se tenir à l'écart des formes du pouvoir. Il est dommage toutefois que le pouvoir soit ici assimilé à ce qui en fut le prétexte – le catholicisme – alors qu'il m'aurait semblé plus fécond de porter un regard humain sur les machinations humaines pour ne pas perdre de vue la beauté de la religion elle-même – vaste projet esthétique – eut-elle été récupérée en vue de la réalisation d'un quelconque objectif temporel, plutôt que d'ajouter à la confusion de notre époque en dressant un hypothétique paganisme, décrit tout de roses vêtu, contre un christianisme rapidement éludé et réduit à l'ambition politique.
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