Citations sur Ailleurs (9)
Pour moi, l'idéal de l'écriture, c'est un peu contradictoire, mais c'est ça : écrire sans savoir où l'on va, en laissant les choses se faire d'elles-mêmes, sans aucun plan - même pour un essai ; écrire en jetant des phrases, en les regardant s'ajouter les unes aux autres et, ensuite, regarder la page, avec tous les blancs que l'écriture a laissés un peu partout - parce qu'une page écrite, c'est plein de blancs, c'est très curieux. Ca, c'est bien ; c'est laisser dériver le fil.
Ce serait bien d’écrire comme on vole: décoller, perdre le contact avec cette réalité qui souvent vous crée des tas d’ennuis, inventer une autre vie, une autre dimension, et puis revenir sur terre avec, comme Saint-Exupéry disait, une vision différente. (p. 115)
Les livres que jaime, ce sont ceux qui me donnent limpression qu' ils possèdent quelque chose d'un peu magique. Pas seulement les mots, pas seulement l'histoire du livre, mais aussi tout ce qui est entre les lignes, ce quon devine et qui fait que, pour celui qui écrit, cest une aventure totale. Il échange des non-dits, des silences, un regard, quelque chose quon fait ensemble, qu'on ne peut faire tout seul. Quand je parlais de voler, cest un peu à ça que je pensais. Parce que lorsqu'un merveilleux fou monte dans un de ces avions, cest vrai quil ne peut le faire tout seul. Il emporte avec lui le regard de ceux qui le suivent. Cest une sorte de rêve en commun. Et quand la littérature atteint ça, cest fort, cest vrai, cest beau. »
Contrairement à [ce qu'a écrit] Valéry, la société occidentale ignore complètement qu’elle est mortelle. Elle ne veut pas penser à sa mort. Elle a peur de sa mort. Et justement, à cause de cette peur, elle risque bien de disparaitre sans laisser de traces. (p. 40)
Le mot sagesse fait penser à quelqu'un avec une longue barbe, une longue expérience et un peu d'amertume envers les choses. Ou alors, sagesse, mais à condition de savoir, aussi, s'amuser avec les choses. Ce serait bien que les sages soient un peu fous, qu'ils sachent rire. (p.118)
Quand on écrit des livres, on rêve un peu de ça - pas d'arrêter le temps, bien sûr, mais de le faire durer le plus longtemps possible. De le revivre indéfiniment.
"Vous avez donné, avec une concision étonnante, une sorte de recette: pour vous le travail [d’écrivain] se composait de 80 % d’imagination pure, 10 % d’expérience personnelle, 2 % de réminiscence de lectures, 0,5 % de recours prémédité à des thèmes traditionnels, 6 % de faits divers et d’éléments d’actualité et 1,5 % de grands problèmes du temps"
Je crois d'ailleurs que, lorsqu'on écrit - j'en reviens à cet enfant, dans sa cabine, au milieu d'un voyage qu'il ne voit pas -, on dispose, pour une bonne part, des réminiscences de ses rêves.
C'est vrai que l'idéal serait de vivre de façon permanente dans l'un ou l'autre de ces continents. Je le sens très bien : ce n'est pas confortable d'être entre deux mondes. D'un autre côté, pour toutes sortes de raisons, par choix personnel, je ne peux me faire à l'idée d'être entièrement d'un monde, ou de l'autre. Je crois qu'apparten'ira aux deux m'aide dans ce que je fais actuellement, dans ce que j'écris, dans le goût que j'ai d'écrire. C'est une situation inconfortable où je trouve mon confort. J'ai besoin de ce déséquilibre. J'ai besoin d'avoir deux portes.