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Critique de ninachevalier


PRIX ERCKMANN-CHATRIAN


Fabienne Jacob décrypte les relations Hommes /Femmes avant l'ère du
«  hashtag me too » et passe en revue maintes rencontres en France, mais aussi à l'étranger. La rue, le supermarché étant des lieux favorisant la promiscuité.

La narratrice évoque des pans de son parcours qui l'ont marquée depuis l'enfance jusqu'à son statut de femme. Sa vision est peut-être dénaturée, venant d'être « plaquée », situation qu'elle ne manque pas de rappeler.

La fille de l'Est, documentariste, s'intéresse à la façon dont les hommes draguent, au pouvoir de séduction: « jeu cruel ou hasard miraculeux, qui tient ainsi à l'approche du mystère de l'autre, à cette volonté de le dénuder pour en apprécier la vérité. », déclare Julien Bisson dans la préface du recueil de 11 nouvelles parues l'été 2018 dans le 1.

Son premier souvenir ? Un contact violent, comme « une intifada », cible d'un garçon armé de cailloux (sur le chemin de l'école) . Elle aurait pu en être traumatisée, elle préfère lui pardonner et y voir l'appel de quelqu'un de seul.
Quant à «  P'tit pot de colle », la narratrice retrace le «  drôle duo » qu'ils formaient en primaire, et évoque leurs retrouvailles quand elle retourne au village d'enfance où elle se métamorphose en « anguille immémoriale ».
Étudiante, elle a croisé un pervers exhibitionniste, par une journée de brume, dans un cimetière !
Fabienne Jacob ausculte les corps, leurs désirs. Elle revisite sa vie en communauté, à vingt ans, quand «  la sève montait à l'assaut des corps ».
Elle décline une variation sur la voix, comme celle du professeur avec qui elle a noué une liaison adultère/clandestine à l'âge de 21 ans. : «  une voix méconnaissable. Un râle d'animal, on dirait. le fruit de ses entrailles ».
Elle se souvient du regard pénétrant de cet homme croisé sur un pont « une pénétration profonde », «  un acte fondateur » déterminant. « Une épiphanie ».
Une situation qui convoque une scène de « Sur la route de Madison ».

L'écrivaine souligne l'importance du code vestimentaire féminin et défend le droit à se vêtir comme bon nous semble. Les robes trop affriolantes, les jupes trop courtes, note-t-elle, émoustillent et provoquent sifflements et harcèlement dans la rue.
L'auteure tient à revendiquer sa liberté de porter des robes.
On se souvient des manifestations pour la jupe.

N'est-elle pas, elle-même » habitée par une curiosité malsaine : «  tenter de percer l'énigme sous la robe », quand elle réussit à avoir un entretien avec une ex-nonne ?

Elle se remémore un été en Sicile où « les mots d'une langue étrangère sont des cailloux » et où la chaleur contraint à s'habiller léger, ce qui attise le regard.

Elle a gardé en mémoire, amusée, quelques exemples de la façon dont certains hommes l'ont abordée, soulignant leur accroche inventive ! (« Vous avez de beaux pieds »! Pensait-il lui proposer une séance de réflexologie ?! )
Mais chez son amie Farida, elle découvre une autre façon de draguer: sur les sites de rencontres dont le concept de Teddy par géolocalisation. Va-t-elle oser le tester ? .

Au village natal, ce sont les confidences de Kirsten qu'elle récolte. Pour cette femme libre de soixante-six balais, l'âge n'est pas un obstacle à la séduction.

La narratrice aborde la question de comment survivre/rebondir après une rupture d'autant que cela a été violent pour elle. Elle analyse l'impact de cette phrase couperet : «  Je n'ai plus d'élan pour toi » et s'étonne de sa réaction de sidération qui l'a plongée dans un état d'anesthésie émotionnelle.
Sa consolation, elle confesse la trouver dans les phrases inspirantes et énergisantes qu'elle consigne sur le grand tableau blanc de son bureau. ( « Vivre comme une Russe ». «  Arrêter de penser aux signes ».)
A moins que ce soit au rayon d'un supermarché où les solos se reconnaissent qu'elle croise un homme qui lui plaise et qu'elle ose le suivre et l'aborder.

En évoquant ce fléau subi par les harceleurs ( insultes,frôlement, mains baladeuses, «  parole crue, offensante, vile »), il convient de ne pas banaliser ces pratiques scandaleuses, mais d'en parler et de sensibiliser autrui. C'est à un ami qu'elle confie sa détresse et elle fera de son conseil un viatique : « arrêter d'attendre ».
Elle revient sur l'épreuve douloureuse de vider la maison de ses parents, « tâche d'autant plus colossale », qu'elle ne peut plus compter sur l'ex.
Et derrière cette porte « le vide et le silence » qui convoque un flot de souvenirs.

Dans ce récit,« Fabienne Jacob alerte sur le harcèlement tout en appelant à conserver la rue comme un territoire de séduction et d'observation ». (1) Toutefois, place au respect et à la délicatesse.
Si elle a découvert l'imparfait du subjonctif avec celui qui l'appelait Niemandsrose, , on peut rappeler la déclaration de Jean Cocteau : « Le verbe aimer est difficile à conjuguer, son passé n'est pas simple, son présent n'est qu'indicatif, son futur est toujours conditionnel ».
Elle signe un roman touchant à l'intime où chacun, chacune peut se retrouver dans le parfum de féminité qui s'en dégage. Deux mots clés : «  élan et attente ».
Laisser vous « pécho » (2) par l'auteure, et dirigez votre élan vers son roman !

(1) ( entendu à LGL, La Grande librairie)
(2) pécho= séduire
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