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Critique de MissFantomette


Etre mère et esclave, esclave et mère : voici la double condition dont Harriet A. Jacobs témoigne dans cet ouvrage.

L'auteure est née vers 1813 en Caroline du Nord, où elle vivra la première partie de sa vie, en esclavage puis cachée. Elle s'évadera ensuite vers Philadelphie, puis New York et différentes villes du Nord où elle deviendra militante abolitionniste.

Les nouveaux-nés héritent de la condition d'esclave de la mère, quelle que soit celle du père. L'auteure subira donc, en plus de l'esclavage, la douleur de voir ses enfants en souffrir.
Non seulement elle va tenter de s'enfuir, mais elle n'aura de cesse de libérer ses enfants... La peur d'en être définitivement séparée -comme cela arrivait fréquemment- traverse le récit.

« Mais pour une mère en esclavage, le Nouvel An arrive chargé de chagrins particuliers » : cette mère de famille narre par exemple la tradition selon laquelle les esclaves se voyaient attribués un nouveau propriétaire chaque année au Nouvel An (dans cette région du moins). D'où le spectre d'un éparpillement définitif de chaque famille d'esclaves à cette date terriblement redoutée !! Une image en dit long : « Elle est assise sur le sol froid de sa cabane, regardant les enfants qui peuvent tout aussi bien lui être enlevés le lendemain matin ».

Il est aussi précisé que « si une mère réussissait à racheter son enfant, la loi l'obligeait à en devenir propriétaire. En effet un esclave affranchi ne devait en aucun cas occasionner de dépenses à l'Etat ou à la communauté. »

Ainsi n'est-ce pas un destin individuel qui, comme dans d'autres Mémoires d'esclaves, nous est conté, mais une perspective habitée par l'amour maternel et le permanent souci du devenir des enfants-esclaves.

Underground Railroad, de Colson Whitehead, m'est venu à l'esprit lors de cette lecture. J'ai été frappée, entre autres choses, par la correspondance entre la situation réelle de la jeune esclave Harriet A. Jacob, dissimulée dans une soupente, et celle, imaginaire, de Cora, l'héroïne du roman. Pour toutes les deux : la fuite, l'étroite cachette sous les toits, la chaleur intenable en été, et l'observation des poursuivants par un minuscule judas...
Les deux textes entrent donc en résonnance de manière très instructive.

L'histoire d'Harriet Jacobs peut également se lire parallèlement aux « Mémoires d'un esclave » de son contemporain Frederick Douglass, né, lui, dans le Maryland cinq ans après elle.

Cet ouvrage est le plus riche en matière de conditions de vie des communautés d'esclaves, parmi les Mémoires d'esclave que j'ai pu consulter.

Cette lecture adopte quelques codes d'une lecture «romanesque », car l'auteure s'y rebaptise d'un autre prénom, et de multiples dialogues animent le récit, très détaillé.
Si bien que, tout en tirant énormément d'enseignements précis et édifiants de cet émouvant témoignage historique, on vibre aussi à l'unisson de l'auteure.
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