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Tout le monde sait que les écoles disciplinaires étaient des endroits difficiles pour les adolescents. Mais on ignorait que poser le pied dans certaines d'entre elles, c'était faire le premier pas vers l'enfer. Et ce jusqu'à une époque très récente.
Nickel Boys » de Colson Whitehead est publié aux éditions Albin Michel.
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En un sens, la seule chose que nous avons en commun, c’est la couleur de notre peau. Nos ancêtres sont venus de toutes les régions du continent africain. Et il est vaste. (..)
Ils avaient des coutumes différentes, des moyens de subsistance différents, ils parlaient cent langues différentes. Et ce grand mélange a été emmené vers l’Amérique dans les cales des navires négriers. Vers le Nord, vers le Sud. Leurs fils et leurs filles ont récolté le tabac, cultivé le coton, travaillé dans les plus vastes domaines et les plus petites fermes. Nous sommes des artisans, des sages-femmes, des prêcheurs et des colporteurs. Ce sont des mains noires qui ont construit la Maison-Blanche, le siège de notre gouvernement national. Ce mot nous. Nous ne sommes pas un peuple mais une multitude de peuples différents.
Il nous faut croire dans notre âme que nous sommes quelqu'un, que nous ne sommes pas rien, que nous ne valons pas rien, et il nous faut arpenter chaque jour les avenues de la vie avec dignité, et avec cette conscience d'être quelqu'un.
Martin Luther King
Le maître répétait souvent que la seule chose qui soit plus dangereuse qu'un nègre avec un fusil, leur dit-il, c'était un nègre avec un livre.
Les vastes champs éclataient de centaines de milliers de capsules blanches, reliées entre elles à l'image des constellations dans le ciel par la plus claire des nuits claires. Quand les esclaves en avaient fini, les champs se retrouvaient dépouillés de leur couleur. C'était un processus magnifique, de la graine au ballot, mais aucun d'entre eux ne pouvait s'enorgueillir de son labeur. On les avait spoliés. (p. 94)
Il ne manquait jamais le marathon. Il ne s'intéressait pas aux vainqueurs, ces super-héros qui couraient après des records du monde et dont les semelles claquaient sur l'asphalte des ponts et des avenues extra-larges de New-York. (...)
Lui, il aimait les coureurs sonnés, qui traînaient les pieds dès le trente-septième kilomètre en tirant la langue comme des labradors. Qui franchissaient la ligne d'arrivée coûte que coûte, les pieds en sang dans leurs Nike. Les trainards et les boiteux qui ne couraient pas sur la route mais dans les profondeurs d'eux-mêmes, qui allaient jusqu'au bout de leur caverne avant de remonter à la surface avec ce qu'ils y avaient trouvé.
Le seul moyen de savoir depuis combien de temps on est perdu dans les ténèbres, c’est d’en être délivré.
Je n’avais pas besoin d’exagérer la réalité pour écrire ce roman. De même, dans mes autres romans sur l’esclavage, la réalité dépassait la fiction. Je n’ai pas eu à chercher très loin.
A propos de son roman "Nickel Boys".
Au-dessus des braises fumantes, de longues perches écartelaient les deux bêtes. Jimmy était le maître du barbecue. Son père avait grandi en Jamaïque et lui avait transmis les secrets du feu des Nègres marrons. Il sonda la viande avec ses doigts et agita les charbons ardents, rôdant autour du brasier comme s'il évaluait un adversaire à la lutte. Il était l'un des plus vénérables résidents de la ferme, un survivant de la Caroline du Nord et de ses massacres, et il aimait sa viande tendre et fondante. Il ne lui restait plus que deux dents.
Il arrive parfois qu'une esclave se perde dans un bref tourbillon libérateur. Sous l'emprise d'une rêverie soudaine au milieu des sillons, ou en démêlant les énigmes d'un rêve matinal. Au milieu d'une chanson dans la chaleur d'un dimanche soir. Et puis ça revient, inévitablement : le cri du régisseur, la cloche qui sonne la reprise du travail, l'ombre du maître, lui rappelant qu'elle n'est humaine que pour un instant fugace dans l'éternité de sa servitude.
Je cite beaucoup le révérend Martin Luther King, Jr., entendre sa voix dans ma tête m’a stimulé.