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Critique de Fleitour


Ma première rencontre avec l'oeuvre de Vincent van Gogh remonte à l'année 1964, dans ce petit musée proche de la ville natale de Vincent, à Nuenen, grâce au sculpteur Pierre de Grauw, et aux étudiants des beaux arts de Paris.

Le village de Nuenen montre ce qui a façonné la production de l'artiste, c'est dans cette région brabançonne qu'il a suivi ses premières leçons de dessin et produit un quart de son oeuvre.

Cette réalité loin de la flamboyance de ses futures peintures d' Arles, m'avait sidérée par les scènes sombres et poignantes montrant des mangeurs de patates ou de vieilles paysannes, des laboureurs, cette glaise devait inspirer toute son oeuvre, et irriguer sa perception de la nature et de la vie, cette humanité allait coller littéralement à chaque coup de ses pinceaux.

Mon livre de référence, écrit par Charles Estienne et publié en 1953, décrit un peintre devenu fou, Van Gogh se suicide à cause d'une volée de corbeaux, ( idem chez Frank Elgard Amsterdam 1994) .

Le livre de Marianne Jaeglé est d'une bien plus grande finesse, pour nous initier par étapes à la vision de Vincent, à sa cohérence sa force et son abnégation, à l'explosion des couleurs qui l'habitaient.
Son livre charnel, sensuel, ardent nous dit, et nous fait lire le ressenti palpable des émotions du peintre, "Etre la pulsation de l'herbe qui croit, de la fleur qui s'épanouit, habiter les volutes des nuages, le crissement des cigales, le cuir fatigué des chaussures.p177"

Toute sa sensibilité est encore dans cette phrase  "Il lui faut habituer son corps à une peau, à une odeur, à une voix, à la proximité d'une autre chair, à sa chaleur. Il a besoin de temps...Il lui faut des caresses, des baisers, être rassuré de l'attention qu'on lui porte, sans quoi son corps ne peut pas. Il lui faut pouvoir s'abandonner à la douceur, à la confiance..."
P47

Est-ce alors un malade mental ou un peintre génial ?

La lumière est enfin porté sur les médecins dont la mission est de protéger, comprendre, accompagner Van Gogh. Ils ont failli, et plus encore méprisé. le bon docteur Gachet laissant pourrir des toiles à l'humidité et malgré les remarques avisées de Vincent. L'excuse dégradante aux lèvres fuse pourtant, il avait mieux à faire, "soigner mon jardin."

On est frappé par la légèreté des médecins, Félix de Rey ou Gachet, c'est si simpliste si peu cohérent d'invoquer la folie, face à un homme si complexe si novateur.

Avec le docteur Félix Rey une étape de plus est franchit, dans le mépris, et la vulgarité, quand il demande qu'on répare son poulailler avec un portrait de van Gogh. Lui qui ne voit dans le portrait qu'une mascarade, ne supporte pas ce que dit son visage, "Il regarde stupéfait la moustache qui vrille, l'oeil coquin, les lèvres charnues."

Ils ont non seulement humilié leur malade, mais détourné la fougue du peintre et son inspiration en une folie qu'il fallait corriger, soigner, c'est l'inepte et invraisemblable comportement de ceux qui devait sauver. N'est ce pas la fatigue et le surmenage qui mène Vincent au bord du burn-out non la folie, .
L'artiste est hyper sensible et dans le cas de Vincent il se double d'une hyper activité, qui est un étonnement pour le jeune Hirschig, Théo lui même n'a pas les clés pour comprendre son frère, lui même englué dans un situation qui le dépasse.

Quand l'article d' Albert Aurier sort dans le Mercure de France , c'est la stupeur voir l'impression d'un canular. Personne n'y croit!
"Ce qui caractérise son oeuvre, c'est l'excès, l'excès en la force, l'excès en la nervosité la violence en l'expression"...p 188 citation à lire.

Vincent peut-il entendre ces louanges ?

Non car un jour,
"Un an jour pour jour après la naissance du 1er enfant, Vincent est nommé exactement du prénom de son frère aîné,... Lui n'a jamais fait autre chose que tenter de le remplacer. Et tous les dimanches il y avait la rituelle promenade au cimetière.
Voilà pourquoi il est promis à l'errance, et l'échec quoi qu'il fasse."
P 174

L'absence du regard d'une mère, de son amour est insurmontable.

La voix d'Annie Ernaux me vient aux paupières, celle qui remplaça une soeur jamais nommée.
Vincent manque de bluff, d'aplomb, de feu sacré en lui même, il perçoit que Paul se moque de lui, alors qu' il partait avec les tournesols, sans complexe il réalise une copie de son tableau du « fauteuil aux tournesols » qui sera ensuite salué par Albert Aurier.

L'intelligence de Marianne Jaglée est de nous faire partager ses éblouissements, sur les godillots de cuir comme sur les tournesols, où les paysages d'Arles (la Nuit étoilée ).

Vincent aura peint une oeuvre immense en 15 mois, 200 tableaux, et les chefs d'oeuvre de l'art du XX ème, certains soulignent ses hallucinations, d'autres y voient l'expression tourmentée de l'âme humaine, et la prééminence de la couleur.

Je vais saluer comme les autres chroniques un livre lumineux, qui parle au coeur, qui cherche notre empathie, puis notre enthousiasme pour les peintures de Vincent.
L'écriture poétique est d'une belle sensibilité, un enchantement.
Un coup au coeur, oui.


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