EXTRAIT DE LA PRÉFACE :
Quel est ce chanteur qui se permet de tutoyer Villon en public , qui signale aux poètes édités depuis Rimbaud -- Et quelques-uns sont de taille , s'ils n'écrivent pas en vers -- qu'il y a aussi " le vers français " ; que l'image -- dite poétique -- la plus audacieuse et la plus nue , qu'elle soit paillette de l'âge d'or ou reflet d'une solitude absolue , est faite pour éclater dans l'espace réel , caresser la peau d'une femme ou brûler le nez d'une canaille , que ceci qu'on écrit ou édite -- le poème -- est animé d'un sens moral qui proteste de ne pas être social , de ne pas revendiquer , attaquer , affirmer par la voix même .
La voix physique du poète , homme physique et moral comme tous les autres ; donc que la poésie ne s'imprime pas seulement . Mais ... bref quel est ce monsieur voix et chansons sur disques , qui se fout d'être un chansonnier et prétend être un poète ?
C'est Léo Ferré qui a défaut de plaire désormais aux chansonniers syndiqués , aux spécialistes qualifiés et aux intellectuels en mal de Lamartine , se fait entendre et probablement comprendre des gens qu'on dit de la rue ; comme il leur a fait entendre pour la première fois Baudelaire .
Le grand drame des solitaires, c'est qu'ils s'arrangent toujours pour ne pas être seuls .Si l'on pouvait se mettre au ras de tout' nue et partir loin , sans un , sans qu'un peu de cette chaleur maternelle qui est tout ce qui leur reste aux bonnes femmes ...... Un jour , j'irai trancher ailleurs mes incompatibilités démocratiques . Un jour , je branlerai ailleurs ...... qu'est-ce que je branle ici à cette heure , attendant je ne sais quelle sonnerie de téléphone , me rendant une voix , quelque part , quelque chose de fraternel , d'insoumis ,de propre ,de comme ça ,pour le plaisir , de rien , de larmes j'en ai trop , en veux-tu ?, de quoi enfin ? Le silence , lui , ne téléphone jamais et c'est bien comme ça ,c'est bien . La vie ne tient qu'à un petit vaisseau , dans le cerveau et qui peut déconner à n'importe quel moment , quand tu fais l'amour , quand tu divagues , quand tu t'emmerdes ..........
*****************LES POÈTES
Ce sont de drôl's de typ's qui vivent de leur plume
Ou qui n'en vivent pas c'est selon la saison
Ce sont de drôl's de typ's qui traversent la brume
Avec des pas d'oiseaux sous l'aile des chansons
Leur âme est en carafe sous les ponts de la Seine
Leurs sous dans les bouquins qu'ils n'ont jamais vendus
Leur femme est quelque part au bout d'une rengaine
Qui nous parle d'amour et de fruit défendu
Ils mettent des couleurs sur le gris des pavés
Quand ils marchent dessus ils se croient sur la mer
Ils mettent des rubans autour de l'alphabet
Et sortent dans la rue leurs mots pour prendre l'air
Ils ont des chiens parfois compagnons de misère
Et qui lèchent leurs mains de plume et d'amitié
Avec dans le museau la fidèle lumière
Qui les conduit vers les pays d'absurdité
Ce sont de drôl's de typ's qui regardent les fleurs
Et qui voient dans leurs plis des sourires de femmes
Ce sont de drôl's de typ's qui chantent le malheur
Sur les pianos du cœur et les violons de l'âme
Leurs bras tout déplumés se souviennent des ailes
Que la littérature accrochera plus tard
A leur spectre gelé au-dessus des poubelles
Où remourront leurs vers comme un effet de l'art
Ils marchent dans l'azur la tête dans les villes
Et savent s’arrêter pour bénir les chevaux
Ils marchent dans l’horreur la tête dans les îles
Où n'abordent jamais les âmes des bourreaux
Ils ont des paradis que l'on dit d'artifices
Et l'on met en prison leur quatrains de dix sous
Comme si l'on mettait aux fers un édifice
Sous prétexte que les bourgeois sont dans l'égout....
Le feu n’était plus seulement une flambée ; c'était un feu, un feu ardent, tout un monde, un château de cendres, flamme et fumée, tout les aspects, toutes les semblances du rêve, l'animal et l'humain, et le feu, soleil minéral, couronne d'épines, végétal éblouissant sommé d'astral. Voici l'humus cendre, fourrure de taupe et velours rouge, et les braises flamboyantes, lys et gueules-de-lion, mille langues de sorcière ; voici la marée haute, la pleine étale du foyer, et l'amère, l'aromatique banderole de la fumée, la chemise de corsaire dans le noir chenal qui débouche là-haut, sur le toit, à l'angle préfixe de l'étoile polaire. A cet angle même de la cheminée, le très haut voilier de la nostalgie prend de la gîte, mais c'est le vent d'Est qui mène le jeu.
« Mon nom est Melmoth » dit-il.
T'as des cheveux comm' des feuill's mortes
Et du chagrin dans tes ruiseaux
Et l'vent du nord qui prêt'main forte
A la mèr' pluie qu'est tout en eau
Ma viell' branche .
T'as des prénoms comm' des gerçures
D'azur tout gris dans tes chiffons
Et l'vent du nord et ses coutur's
Où meur'nt tranquill's les papillons
Ma viell' branche......