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Critique de Nastie92


C'est un pavé, un sacré pavé de sept cent pages bien remplies.
Mais ce n'est pas une brique, il se lit (presque) d'une traite.
Ce n'est pas un roman, ce n'est pas une biographie, ce n'est pas une fiction : ce livre est inclassable.
Philippe Jaenada raconte qu'un jour quelqu'un lui a apporté le livre "Les femmes criminelles au 20ème siècle" et dit : "feuilletant distraitement ce livre, je tombe sur le chapitre consacré à Pauline Dubuisson et, là, je tombe en arrêt devant sa photo. C'est une photo d'elle prise pendant son procès, elle est sur le banc des accusés, elle ne baisse pas la tête et elle regarde droit devant elle. A l'époque, ce cliché avait précisément été utilisé dans la presse pour illustrer sa prétendue arrogance, pour montrer qu'elle ose toiser les hommes."
Le personnage fascine l'auteur : c'est décidé, il va en faire le sujet de son prochain ouvrage.
À quoi tient l'inspiration quelquefois !

Philippe Jaenada s'est passionné pour Pauline Dubuisson et a réalisé un extraordinaire travail de documentation. Il s'est plongé dans les témoignages de l'époque, les dossiers de police, le dossier d'instruction, et a passé une année à tout décortiquer.
On peut dire qu'il connaît Pauline Dubuisson mieux que personne et tout ce qu'il a appris l'a amené a s'attacher à elle, à développer de l'empathie pour elle, et finalement, lui a donné envie de la défendre, plus d'un demi-siècle plus tard, bien mieux que ne l'avait fait son avocat.
Ce livre à part est une longue plaidoirie en faveur de cette accusée maudite, rejetée parce qu'elle ne se pliait pas aux conventions.
Pauline, femme émancipée, en avance sur son temps, que la bonne société condamne pour se donner bonne conscience.

Pauline est coupable, Philippe Jaenada ne le nie pas. Mais selon la loi, elle aurait dû avoir un procès équitable. Or, il ne l'a absolument pas été.
L'auteur révèle tout, preuves et arguments à l'appui : les incohérences, les faux témoignages, les fausses accusations, les sous-entendus malfaisants, les ragots puants. Il démonte d'une façon magistrale toute la mécanique de ce procès nauséabond. On s'aperçoit que chaque détail compte : un mot pour un autre, une approximation, et c'est tout un témoignage qui bascule dans l'autre sens.
Il est terrifiant de voir comment on peut s'acharner ainsi sur une personne, travestir la vérité, mentir et cacher ce qui ne va pas dans le "bon" sens pour faire de Pauline Dubuisson un portrait au vitriol et combler un public avide de sensations.
Philippe Jaenada, à travers un cas particulier nous offre une belle réflexion sur le fonctionnement de la machine judiciaire et nous fait prendre conscience du caractère très fragile de la justice.

Emporté par son élan, mu par sa fascination pour Pauline, il en fait quelquefois un peu trop, mais le lecteur passionné lui pardonne. du moins, c'est ce que j'ai fait, sans hésitation.
En tout cas, si Pauline Dubuisson avait eu Philippe Jaenada comme avocat, le procès n'aurait certainement pas pris la même tournure.
L'auteur manie beaucoup l'ironie et utilise un style assez particulier pour glisser dans son texte un tas de petites réflexions pour démonter la mécanique qui s'est mise en marche contre l'accusée. Cette façon de rédiger surprend au début, les phrases étant parfois à rallonge et remplies de parenthèses imbriquées. Ce n'est pas gênant du tout, et donne au livre un caractère très original. Les idées sont quelquefois mélangées dans un désordre qui n'est qu'apparent, mais tout est parfaitement maîtrisé et la lecture avance à un bon rythme.
J'avais été bouleversée par le roman de Jean-Luc Seigle, Je vous écris dans le noir, La petite femelle m'a totalement captivée.

N'hésitez pas à plonger à votre tour dans ce livre passionnant de bout en bout. Une fois ouvert, vous ne pourrez le refermer que lorsque vous l'aurez achevé. C'est un peu comme un bon gros plat d'hiver dont vous vous dites après que l'on vous a copieusement servi "Mais c'est trop, je ne vais jamais finir !"... et puis sans vous en rendre compte, vous videz toute votre assiette.
Pour un peu, vous en reprendriez !
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