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Critique de michfred


Et si Hercule Poirot, petit détective belge tiré à quatre épingles et vaguement ridicule, devenait un gentil colosse, porté sur le whisky?

Si au lieu de vous tenir à l'écart de ses fameuses déductions de logique pure, au lieu de vous convoquer dans le lounge avec le colonel mustard et miss scarlet pour vous les aligner toutes, ses déductions, sans pitié, et dans les dernières pages du bouquin- histoire de vous montrer à quel point vous êtes: une brêle naïve, une tarte sentimentale, un faible d'esprit au Q.I. de protozoaire (rayez la mention inutile)- si, au lieu de tout cela, il vous confiait ses doutes, ses affres de conscience, s'il vous impliquait dans ses recherches, partageait ses conclusions au fur et à mesure de son enquête ?

Même plus: s'il vous faisait marrer avec quelques apartés rigolos, histoire de détendre l'atmosphère, bien poisseuse, pourtant, avec ces trois horribles meurtres à la serpe?

Tout le plaisir de la lecture du dernier Jaenada est là, dans cette présence chaleureuse, dans ce regard fraternel, dans ce cheminement patient, infatigable, et partagé, vers une vérité qui se dérobe, dans le temps -les faits datent de 1941- et dans la paperasse judiciaire et journalistique.

Avec lui nous faisons connaissance d' Henri Girard alias Georges Arnaud, écrivain célèbre - le Salaire de la Peur- , et auteur présumé d'un triple meurtre atroce, dont il fut acquitté, sinon blanchi, par un as du barreau, Maurice Garçon.

Pas sympa, et même pas sympa du tout, le jeune Henri Girard , mais sa vie semble coupée en deux: le sale gosse de riche profiteur et capricieux se mue, après son acquittement et la dilapidation de son patrimoine, en un justicier inlassable, un défenseur infatigable de la veuve et de l'orphelin...

Comment expliquer cette mutation? le choc, la prison, le frisson d'avoir tutoyé de si près la guillotine? Pas suffisant, comme explication.

Jaenada avec sa flasque d'Oban et le foulard de sa femme en guise de doudou, va exhumer les pièces de l'enquête et celle du procès, fouiller la correspondance familiale, recouper et comparer les témoignages.

Et, comme lui, nous allons pourfendre quelques clichés, débusquer quelques invraisemblances et décaper quelques vérités premières bien cachées...jusqu'à modifier notre jugement.

Et même plus... mais chuut!

Je vous laisse avec Jaenada, sa Mereva un peu nulle, son pneu sous-gonflé, son humour hilarant, sa patience de fourmi, son opiniâtreté de teckel.

La Serpe est une double rencontre: celle du narrateur - un type adorable qu'on aimerait embrasser sur les deux joues- et celle de son sujet , Georges Arnaud-Henri Girard, un écorché vif plein de cynisme et de douleur, qui en avait gros sur la patate, et qui a su trouver, malgré les préjudices et sa sulfureuse réputation, une parade pleine de grandeur et de panache à ses souffrances et aux soupçons ineffaçables qui pesaient sur lui.
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