AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de tamara29


J'ai découvert Philippe Jaenada avec son roman « le chameau sauvage » (Prix de Flore 1997).
J'ai aimé cet auteur pour son humour moqueur, loufoque, son autodérision, ses parenthèses et digressions, les éclats de rire qu'il a su déclencher, mais aussi, pour l'humanité et la sensibilité que je sentais en lui (Il a même réussi à me faire tirer quelques larmes). En un roman, j'étais tombée amoureuse… (encore d'un écrivain).
Fidèle ou presque, j'ai lu par la suite d'autres romans de Jaenada, à la recherche de ces émotions, sans vraiment tout à fait les retrouver, c'est vrai. Il manquait la petite étincelle.
Et le revoilà avec ce roman biographique de Bruno Sulak, cet incroyable cambrioleur des années 80.
Autant vous prévenir tout de suite, Sulak vaut tous les superlatifs qui vont suivre.
Ce dernier -peut-être certains s'en souviennent- a été à la Une des journaux pour ses braquages spectaculaires de banques ou bijouteries et les évasions qu'il organisait pour libérer ses potes (ou lui-même).
Ce n'était pas un gangster comme les autres, pas un petit escroc minable ni du genre Mesrine (un peu sanglant). Il était plus (pardon pour le cliché) un gentleman cambrioleur, intelligent, généreux, doué pour presque tout ce qu'il touchait (grand sportif –ancien légionnaire-, magicien, pilote d'hélicoptère, etc.), non-violent, avec une bonne dose de sang-froid, des valeurs, comme la droiture, la justice (si j'ose dire)… Pas étonnant que beaucoup de gens l'appréciaient et/ou le respectaient (ses potes, les filles et même des flics et juges).
C'est pour ces raisons, notamment, que Jaenada a eu envie de raconter l'histoire de ce jeune homme fascinant, tout en en profitant pour remettre un peu d'ordre et de vérité dans tout ce qui s'est dit à l'époque sur Sulak et ses compères.
Parce que les ‘'gentils'' ne sont pas forcément du côté qu'on croit, parce que les aléas de la vie, les rouages de la justice et de quelques décisionnaires pas très futés, font que, parfois, certains doivent sortir du rang et décident ensuite de rester en marge. Ajoutés à cela, le goût pour la liberté, l'indépendance, l'envie de vivre avec exaltation et cela suffit pour que Bruno Sulak choisisse de prendre la route du grand banditisme plutôt que le train-train que la majorité des gens connaissent.
Jaenada s'est énormément documenté sur l'époque, les dates, les événements (même du show-biz). Il rencontrera aussi ceux qui ont côtoyé Sulak, des gens de « tout bord » : du commissaire Moréas à sa fille Pauline, en passant par son grand amour Thalie ou ses «confrères ». Et pour ces derniers, Jaenada prend soin -bien entendu- de changer les prénoms, on ne sait jamais.
Grâce à ce travail minutieux mais aussi à sa plume faite d'humour, d'ouverture d'esprit et de coeur, Jaenada réussit avec maîtrise à nous plonger dans l'atmosphère des années 80 (lorsque les jeux très sérieux de poursuites entre flics et voyous avaient une autre « gueule ») mais aussi à décrire le parcours de ce hors-la-loi hors norme. Jaenada est bien meilleur à priori -mais je ne suis peut-être pas objective sur ce coup- que certains journalistes à gros scoops de l'époque.
Son style particulier fait de ce roman biographique d'être un peu en marge des autres bio plus classiques, tout comme l'est son « héros » finalement.
On a autant de plaisir, de curiosité et de frissons à lire ce récit qu'un bon polar ou qu'un film policier des années 50. Mais, on n'en oublie pas que ce n'est pas qu'un simple polar et que Sulak n'est pas qu'un personnage de roman.
Les parallèles de Jaenada sur ce qu'il faisait à la même date ou au même âge sont certes des bouffées d'air lors des épisodes un peu pesants. Mais, ils mettent aussi en exergue le décalage entre nos petites existences tranquilles et pépères et celles des autres qui, dans le même temps, se font courser par les flics ou « empochent » des millions de francs en bijoux...
Et on s'attache à Sulak, tout comme Jaenada s'est attaché à lui. On l'accompagne lors de la préparation des casses, on zieute partout au cas où un flic se planquerait pas loin, on se liquéfie pendant le braquage, on en vient à croiser les doigts pour que tout se passe sans accroc, on exulte si tout se passe bien (comme si on avait nous-mêmes ces bijoux ou diamants dans les mains… Non pas qu'on soit intéressé par le fric, mais juste pour tout ce que ça sous-entend en adrénaline et liberté).
Une fois mis le doigt dans l'engrenage, quand on est le voleur le plus recherché par toutes les polices françaises, difficile de retourner dans une vie bien rangée… Ce n'est pas la prison, mais cela ne ressemble plus trop à la liberté dont il rêvait : il doit changer d'identités, de planques régulièrement, ne faire confiance à personne ou presque, être constamment sur le qui-vive, sans parler des gens qu'il aime et dont il doit s'éloigner, pour leur sécurité…
J'avoue, que vers les dernières pages du bouquin, sachant alors la fin de l'histoire proche, en tournant les pages, fébrile, j'avais le sourire plus amer, entre inquiétude et pincements au coeur. Quand on s'attache à quelqu'un, on n'a pas envie que ça tourne mal pour lui.

Cette oeuvre de Jaenada mérite, selon moi, plus de 4 étoiles. Et Sulak, cet homme d'une très grande classe, le mérite aussi.
Alors, juste pour le plaisir et les émotions que j'ai eu en lisant ce roman, juste parce que je devais remercier Jaenada de m'avoir fait découvrir Sulak. Et juste pour l'envie de vous faire connaître un peu Philippe, un peu Bruno, j'en ai mis 5… Qui sait…
Commenter  J’apprécie          357



Ont apprécié cette critique (31)voir plus




{* *}