Après tout, les ennuis ne disparaissent jamais ; il est uniquement possible de les reporter – soit dans le temps, soit sur autrui.
Au bout d’un moment, le monde finit par se réduire à la boîte dans laquelle on vit, au point que rien de qui y est extérieur n’a d’importance et que si la boîte vient à être détruite, on préfère disparaître avec elle plutôt que se hasarder au-dehors.
Peut-être était-ce pour ça que les capitaines coulaient avec leur navire. La mort était plus attrayante que l’inconnu. Car au moins, elle apportait la paix au lieu d’un étrange sentiment d’égarement total, à la fois intime et généralisé.
Il descend de voiture et traverse la rue. Il tire la porte et pénètre dans la librairie climatisée, tapissée d’étagères et parsemée de piles de livres. Les relents de vieux bouquin – colle et encre bon marché – qui emplissent l’atmosphère lui rappellent son adolescence passée dans les bibliothèques, à fuir les gros bras pendant les vacances d’été, à fuir la vie dans des histoires de flics ripoux et de tueries absurdes. À sa gauche, il l’avise derrière la caisse – son père. C’est comme s’il se regardait dans un miroir maudit. Voilà à quoi il ressemblera dans trente-cinq ans.
I. Mue
Présent. Chapitre 3
(...) il réalise soudain qu’il n’a absolument plus rien. Il a perdu tous ceux qu’il a un jour aimés. (...)
Il ne reverra plus jamais quiconque ayant appartenu, même de loin, à son ancienne vie.
I. Mue.
Passé
Ce n’était pas dans les eaux troubles du passé qu’il trouverait la clarté,
Son passé était une bibliothèque dont des rayons entiers étaient garnis de volumes vierges. Lorsqu’on en prenait un pour le feuilleter, il ne comportait que des pages blanches du début à la fin.
Et ceux qui ont déjà tué connaissent le pouvoir du meurtre. Ils savent que la partie d’eux-mêmes qui en est capable est, à bien des égards, plus réelle que celle qui, en société, veille à ne pas retremper dans la sauce son bâton de céleri après l’avoir croqué. Celle-ci n’est qu’une façade. Alors que tuer un homme n’a rien de factice. C’est terrible. En général impardonnable. Mais on ne peut plus viscéral.
II. Soustraction
Présent
L’avenir n’est qu’une tache grise à l’horizon, qui prend forme à mesure qu’on s’en approche.
Il glisse donc la lettre dans la boîte, et s’ensuit ce qui doit s’ensuivre. Des faits mineurs ont parfois des conséquences majeures, tandis que des faits majeurs n’en ont parfois aucune.
On ne peut jamais savoir.
II. Soustraction
Passé
Mais pour justifier ce qu’il avait l’intention de faire, il avait besoin de se prouver qu’Harry Combs était encore en vie, car on ne pouvait pas tuer les morts. (...)
Il devait ressusciter Harry Combs afin de s’en débarrasser. Alors, seulement, il pourrait devenir lui-même. C’était à la fois aussi simple et aussi compliqué que ça.
I. Mue
Présent
Cet homme avait tué sa femme et abandonné son fils. Qu’il puisse se montrer bon et gentil n’y changeait rien.
I. Mue
Présent