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Critique de 5Arabella


Publié en 1898, d'abord en feuilleton, le tour d'écrou est une des oeuvres les plus populaires de James, le roman a d'ailleurs été adapté en opéra par Benjamin Britten.

Un homme promet à la compagnie un récit de fantômes effroyable, dans lequel deux enfants sont impliqués. Il se fait envoyer le texte, qui est le récit authentique de la principale protagoniste de l'histoire, dont le nom n'est jamais indiqué. Agée de 20 ans et sans aucune expérience, elle se voit proposer un emploi de gouvernante particulièrement avantageux. Mais l'emploi est dans une maison à la campagne, à l'écart, et l'oncle des enfants, qui n'ont plus de parents, ne veut pas être dérangé, il faudra que la gouvernante se débrouille pour gérer la situation, quelle qu'elle soit, sans faire appel à l'oncle. La jeune femme, sous le charme de l'homme, décide d'accepter, tout en se posant des questions. Elle arrive dans la maison, et au prime abord, les choses ont l'air de bien se passer. Elle est accueillie par Mrs Grose, l'intendante, avec laquelle elle sympathise, et Flora, la petite fille, lui semble particulièrement charmante. Mais les problèmes ne vont pas tarder à surgir : Miles, le petit garçon qui rentre pour les vacances, ne pourra plus retourner en pension, il a été renvoyé pour des raisons inconnues. Et la gouvernante voit un homme inconnu dans le domaine. A la deuxième apparition, elle en parle à Mrs Grose, qui d'après la description reconnaît Peter Quint, un ancien domestique. Mais il y a un problème : Peter Quint est mort. La gouvernante arrive rapidement à la conclusion que Peter Quint et Miss Jessel, qui l'a précédé dans les fonctions de gouvernante et qui aussi est morte, reviennent sous forme de fantômes, et veulent s'emparer des enfants, qu'ils ont perverti de leur vivant. Elle se donne pour mission de les sauver, de lutter contre les revenants. Les enfants, décrits d'abord comme angéliques, semblent de plus plus prêts à tout pour entretenir les liens avec les disparus, déjà en niant qu'ils existent.

Ce livre est un des rares ouvrages qui corresponde à la définition du fantastique telle que l'a donnée
Tzvetan Todorov dans l'Introduction à la littérature fantastique : il s'agit d'un choix impossible entre deux interprétations du texte, une rationnelle et une faisant appel au surnaturel. Il est pour ainsi dire impossible de trouver des éléments objectives dans le texte pour décider quelle est l'interprétation que l'auteur a voulu que le lecteur donne au texte. S'agit-il de véritables fantômes ? Ou d'une femme perturbée (on a beaucoup évoqué la frustration sexuelle) qui a des hallucinations ?
La construction de James, le choix de tous les mots entretient plus qu'habilement jusqu'au bout l'indécision. le lecteur choisit, en fonction de ses affinités, préférences, pré-supposé. En réalité, il doit remplir énormément de blancs, de non-dits. On ne saura jamais pourquoi Miles a été renvoyé de l'école. On ne saura pas quels étaient les véritables liens entre les enfants et les deux adultes. Ni même en quoi ils étaient si corrompus. Ni comment Miss Jessel est morte. Chaque lecteur est amené à projeter, à imaginer, ce qui peut au final être encore plus terrifiant, parce qu'on peut imaginer ce que l'on pense être le pire.

A chaque lecteur donc sa lecture. La mienne m'a fait interrogé sur la narratrice. Agée à peine de vingt ans, totalement inexpérimentée, exaltée et idéalisant dans un premier totalement les enfants, qui sont dépeints comme de véritables petits anges, sans aucun défaut. Ce qui n'est pas exceptionnel chez des adolescentes ou jeunes femmes. Mais voilà, aucun enfant n'est un ange au quotidien, il va faire de bêtise, peut devenir violent, insolent. Et les idéaliser peut amener à des déconvenues parfois cruelles. Dont celle de ne pas être en capacité de se faire respecter et aimer d'eux. J'ai eu la sensation que c'est ce qui arrivait à la narratrice. le petit Miles dans une scène importante, lui demande de retourner en pension, met clairement en cause les compétences de la jeune femme, menace de faire appel à son tuteur. Aux enfants angéliques commencent à s'opposer à partir d'un moment les enfants diaboliques. Définitivement pervertis par les deux morts. Alors qu'objectivement, leurs méfaits sont quand même très limités. C'est comme il n'y avait pas d'entre deux, sont anges, soit démons. Des enfants purs et innocents, soit des monstres corrompus. Mais c'est peut-être juste l'incapacité de la jeune femme à gérer la situation qui est en cause, qui plutôt que de se remettre en cause, et de voir les choses telles qu'elles est préfère incriminer des apparitions démoniaques. Mais on peut aussi y lire la métaphore du mal qui gît dans tout être humain, y compris un enfant "innocent".

En tous les cas, un texte brillantissime et très riche.
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