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Citations sur De l'Angelus de l'aube à l'Angelus du soir, 1888-1897 (51)

Les dimanches, les bois sont aux vêpres.
Dansera-t-on sous les hêtres ?
Je ne sais… Qu’est-ce que je sais ?
Une feuille tombe de la croisée…
C’est tout ce que je sais ..

L’église. On chante. Une poule.
La paysanne a chanté, c’est la fête.
Le vent dans l’azur se roule.
Dansera-t-on sous les hêtres ?
Je ne sais pas. Je ne sais.

Mon cœur est triste et doux
Dansera-t-on sous les hêtres ?
Mais tu sais bien que, les dimanches, les bois sont aux vêpres.

Penser cela, est-ce être poète ?
Je ne sais pas. Qu’est-ce que je sais ?
Est-ce que je vis ? Est-ce que je rêve ?

Oh ! ce soleil et ce bon, doux, triste chien…
Et la petite paysanne
à qui j’ai dit : vous chantez bien…

Dansera-t-elle sous les hêtres ?
Je voudrais être, voudrais être
celui qui lentement laisse tomber,
comme un arbre ses baies,
ca tristesse pareille, sa tristesse
pareille aux bois qui sont aux vêpres.
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Si tu pouvais savoir toute la tristesse
qui est au fond de mon cœur, tu la comparerais
aux larmes d’une pauvre mère bien malade,
à la figure usée, creuse, torturée et pâle,
pauvre mère qui sent qu’elle va bientôt mourir
et qui déplie pour son enfant le plus petit,
déplie, déplie, pour le lui donner
un jouet de treize sous, un jouet luisant, un jouet.
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Le vent triste souffle dans le parc,
comme dans un livre que je lus enfant,
où une écolière perdue était hagarde.
Le vent.

Il va casser, peut-être, le tulipier.
Il fait voir le dessous des feuilles blanc
du vernis du Japon qu’il semble essuyer,
Le vent.

Le baromètre est descendu subitement.
Peut-être que ça va être un ouragan.
Il ne peut pas pleuvoir, mais on entend
Le vent.

Dans les livres de prix, monsieur et madame d’Arvan
reviendraient en pressant le pas chez eux,
vers un château tout bleu malgré le mauvais temps.
Le vent.

Sortez de ma tête, ô manoirs moisissants
où devaient se passer d’étranges adultères,
par les temps tristes, en Angleterre.
Le vent.

Sortez de ma tête, gentilles écolières
qui jouiez à cache-cache dans la clairière
et reveniez vers le grenier sombre, à cause du grand
vent.

Sortez de ma tête, vieux marquis des villes
qui, dans les maisons pluvieuses, lisiez Virgile
dans des fauteuils à oreillettes, par des temps
de vent.

Sors de ma tête, ma douce tristesse,
et va-t’en vers le coteau fané, va-t’en
où va, sur un air un peu Chateaubriand,
le vent.
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LA MAISON SERAIT PLEINE DE ROSES...

La maison serait pleine de roses et de guêpes.
On y entendrait, l'après-midi, sonner les vêpres;
et les raisins couleur de pierre transparente
sembleraient dormir au soleil sous l'ombre lente.
Comme je t'y aimerais!
Je te donne tout mon cœur qui a vingt-quatre ans, et mon esprit moqueur,
mon orgueil et ma poésie de roses blanches;
et pourtant je ne te connais pas, tu n'existes pas.
Je sais seulement que, si tu étais vivante,
et si tu étais comme moi au fond de la prairie,
nous nous baiserions en riant sous les abeilles blondes,
près du ruisseau frais, sous les feuilles profondes.
On n'entendrait que la chaleur du soleil.
Tu aurais l'ombre des noisetiers sur ton oreille,
puis nous mêlerions nos bouches, cessant de rire,
pour dire notre amour que l'on ne peut pas dire;
et je trouverais, sur le rouge de tes lèvres,
le goût des raisins blonds, des roses rouges et des guêpes.

24
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Il va neiger dans quelques jours. Je me souviens
de l’an dernier. Je me souviens de mes tristesses
au coin du feu. Si l’on m’avait demandé : qu’est-ce ?
J’aurais dit : laissez-moi tranquille. Ce n’est rien.

J’ai bien réfléchi, l’année avant, dans ma chambre,
pendant que la neige lourde tombait dehors.
J’ai réfléchi pour rien. À présent comme alors
je fume une pipe en bois avec un bout d’ambre.

Ma vieille commode en chêne sent toujours bon.
Mais moi j’étais bête parce que ces choses
ne pouvaient pas changer et que c’est une pose
de vouloir chasser les choses que nous savons.

Pourquoi donc pensons-nous et parlons-nous ? C’est drôle ;
nos larmes et nos baisers, eux, ne parlent pas
et cependant nous les comprenons, et les pas
d’un ami sont plus doux que de douces paroles.

On a baptisé les étoiles sans penser
qu’elles n’avaient pas besoin de nom, et les nombres
qui prouvent que les belles comètes dans l’ombre
passeront, ne les forceront pas à passer.

Et maintenant même, où sont mes vieilles tristesses
de l’an dernier ? À peine si je m’en souviens.
Je dirais : laissez-moi tranquille, ce n’est rien,
si dans ma chambre on venait me demander : qu’est-ce ?
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Le pauvre chien a peur, il marche dans la neige et
s’arrête. Les enfants lui crient : allez couchéééé !
Le ciel est en argent, en ombre, en cendre, et l’on
n’entend pas les pas taper la rue sourde et froide sans son.
Une laitière passe et, pour ne pas tomber,
tremble. Et, dans ma chambre bleue et grise,
le bois du feu jute, roule, sent fort aux doigts et siffle.
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Ta figure douce souffrait.
Tes larmes que j’ai avalées,
petite amie, étaient salées
comme une herbe de marée.

Elles m’ont mordu la langue…
Tu t’en allais tristement
prendre l’omnibus lourd et lent,
en pleurant que je m’en aille ;

et ta bouche sur ma bouche,
ta tête faisait des sauts,
et tu étais douce
en pleurant doucement…

Il y a là sur la fenêtre
des liserons bleus où il a plu.
Ils bougent comme un baiser sur
ta fine et douce tête.

Tu ne m’as pas ennuyé.
Les autres m’ont ennuyé.
Mon cœur est triste et ennuyé
comme un ange ennuyé.

Les mouches volent aux vitres
pendant que je pense à toi.
Tout est triste comme moi.
Tout est triste.
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Ce sont les travaux de l’homme qui sont grands :
celui qui met le lait dans les vases de bois,
celui qui cueille les épis de blé piquants et droits,
celui qui garde les vaches près des aulnes frais,
celui qui fait saigner les bouleaux des forêts,
celui qui tord, près des ruisseaux vifs, les osiers,
celui qui raccommode les vieux souliers
près d’un foyer obscur, d’un vieux chat galeux,
d’un merle qui dort et des enfants heureux ;
celui qui tisse et fait un bruit retombant,
lorsque à minuit les grillons chantent aigrement ;
celui qui fait le pain, celui qui fait le vin,
celui qui sème l’ail et les choux au jardin,
celui qui recueille les oeufs tièdes.
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Cette personne a dit des méchancetés :
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Alors j’ai été révolté.

Et j’ai été me promener près des champs
où les petits brins d’herbes ne sont pas méchants,
avec ma chienne et mon chien couchants.

Là, j’ai vu des choses qui jamais
n’ont dit aucune méchanceté,
et de petits oiseaux innocents et gais.

Je me disais, en voyant au-dessus des haies
s’agiter les tiges tendres des ronciers :
ces feuilles sont bonnes. Pourquoi y a-t-il des gens mauvais ?

Mais je sentais une grande joie
dans ce calme que tant ne connaissent pas,
et une grande douceur se faisait en moi.

Je pensais : oiseaux, soyez mes amis.
Petites herbes, soyez mes amies.
Soyez mes amies, petites fourmis.

Et là-bas, sur un champ en pente,
auprès d’une prairie belle et luisante,
je voyais, près de ses bœufs, un paysan

qui paraissait glisser dans l’ombre claire
du soir qui descendait comme une prière
sur mon cœur calmé et sur la terre.
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Je mettrai des jacinthes blanches
à ma fenêtre, dans l’eau claire
qui paraîtra bleue dans le verre.

Je mettrai sur ta gorge blanche
et luisante comme un caillou
du ruisseau, des boules de houx.

Je mettrai sur la pauvre tête
du malheureux chien tout rogneux
qui a des taches dans les yeux

la plus douce de mes caresses,
pour qu’il s’en aille grelottant
un tout petit peu plus content.

Je mettrai ma main dans la tienne,
et tu me conduiras dans l’ombre
où tournent les feuilles d’automne,

jusqu’au sable de la fontaine
que la pluie si douce a troué,
où se détrempe le vieux pré.

. . . . . . . . . la pluie fine
ma pensée douce comme la bruine.

Je mettrai sur l’agneau qui bêle
une branche de lierre amer
qui est noir parce qu’il est vert.
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