Le chauffeur du taxi-brousse récite sa prière, embrasse son crucifix et connecte les fils sous le volant. Ensuite, ilslalome au jugé entre les trous et les bosses, accélère dans les virages et frôle les véhicules croisés.
P 93 le cauchemar fut bien pire à la fin du XIX siècle dans le grand Congo. Annexé en1885 par Léopold II, roi des belges, celui-ci y pompa toutes les richesses possibles. Du bois, de l’ivoire mais surtout le caoutchouc, pour les fils du téléphone et les pneus des automobiles, dont le marché était en plein essor. Plusieurs centaines de milliers d’indigènes périssent en trente ans, victimes de la brutalité des colons et des cadences de travail : dix millions estime l’américain Adam Hochschild dans les Fantômes du roi Léopold, son livre enquête sur cette terreur coloniale. Deux fois plus de victimes que la Shoah.
P 98 Il ne mâche pas ses mots vis à vis des nations unies. Le budget de la Monuc ( mission de lOnu au Congo), c’est un milliard de dollars par an. Trois millions par jour. Et seulement la moitié est utilisée pour le Congo. Et l’autre moitié? Gaspillée, détournée, inutilement utilisée. Mais il n’y a pas de contrôles ? Bah il y a beaucoup de corruption ici aussi. Ce n’est pas parce qu’il y a écrit United Nations sur les 4x 4 qu’ils ne font pas de trafic de carburant ou de pierres précieuses...c’est peut-être pour ça qu’ils s’éternisent dans le pays. Ils prolongent leur mandat, mais ils ne font rien pour arrêter la guerre. Ils se contentent d’observer les combattants s’entretuer. c’est comme s’ils avaient pour mission de laisser la région se déstabiliser pour l’empêcher de prendre son essor.
C'est par où, l'aventure ?
Je suis perdu dans Zanzibar, égaré sur le bas-côté de l'Afrique. C'est par où, l'aventure ? Les murs de la vieille ville sont usés par le soleil, les façades coloniales s'effritent en silence. «L'hôtel est juste à côté», m'indique le vendeur de pastèques, seul être vivant croisé dans la torpeur de l'après-midi. Il faut longer un rempart défoncé par la végétation tropicale puis tourner à droite, sous une forêt de fils électriques dénudés. Je pousse la lourde porte cloutée, la matrone fait ses ongles derrière son comptoir, le prix des chambres est affiché en dollars. J'écope de la numéro dix : une cellule blanche, carrée, avec un plafond zébré de poutres en cocotier, un lit large comme un hippopotame et une petite ouverture encombrée de fils de fer, où s'emmêlent les rayons du soleil. Il fait 35 degrés, le ventilateur est cassé.