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Critique de Dossier-de-l-Art


Contrairement à ce que l'on pourrait croire, l'art contemporain n'a pas toujours les faveurs du public. Parfois il agace ou il choque ; souvent il déconcerte, parce qu'on n'en comprend ni le sens ni l'esthétique ; malgré tout il fascine, car il atteint des sommets sur un marché de l'art qui semble faire et défaire les réputations sans logique. En réalité, le meilleur moyen de se réconcilier avec cet art est peut-être de l'écarter de son champ de vision et de lire pour comprendre. Mais pas n'importe quel livre : les entretiens menés par Françoise Jaunin avec les grands créateurs de notre temps sont des introductions parfaites à l'art d'aujourd'hui et d'hier. Ces livres consistants (mais légers si on doit les emporter dans une villégiature d'été), illustrés de trois cahiers de photographies, font découvrir à chaque volume un nouvel imaginaire artistique. Chaque chapitre commence par une petite présentation des mouvements cités dans la conversation, qui permet au lecteur de se repérer sans même s'en rendre compte. Les dialogues sont menés tambour battant, avec une construction rigoureuse qui n'est en rien pesante, car tout animée des échanges retranscrits comme à brûle pourpoint. Centrés sur l'oeuvre, ils dévoilent pourtant l'importance de la dimension personnelle dans la création et sont aussi des témoignages à la fois poignants et éclairants, qui expliquent un art dans sa globalité. Après Balthus, Giuseppe Penone, Pierre Soulages, Anne et Patrick Poirier, F. Jaunin interroge John Armleder. le dialogue avec l'artiste suisse permet de retracer son parcours, du groupe Ecart fondé à Genève en 1969, jusqu'aux peintures et aux néons colorés des années 1990 et 2000. C'est le moyen de se familiariser avec les happenings, les performances et autres events alternatifs, qui rythmaient la vie artistique des années 1970. On saisit de l'intérieur l'enthousiasme d'une génération à redéfinir les règles des beaux-arts, devant un public invité à participer au processus même d'élaboration de la création. Musique, théâtre improvisé ou tout simplement gestes quotidiens et dérisoires remettaient en question le statut de l'art en l'assimilant au quotidien. Comme l'explique rétrospectivement avec humour J. Armleder : en un sens rien de tout cela n'était bien nouveau. Les peintres de nature morte n'avaient-ils pas des ambitions similaires en peignant des pêches et des raisins ? Ses Furniture Sculpture des années 1980, meubles manufacturés peints de motifs abstraits, inauguraient de même une réflexion sur la troisième dimension que n'auraient pas reniée les artistes de la Renaissance. Les propos de l'artiste sur la notion de style, sur ses liens intellectuels ou d'amitié avec Giotto, Malevitch, Picabia, Warhol et John Cage, expliquent ainsi peut-être mieux qu'un livre d'histoire la continuité entre les siècles. Surtout, ils permettent au lecteur de pénétrer les arcanes d'un oeuvre en devisant sereinement avec un homme dont la parole sincère redonne sa vraie valeur à l'art contemporain.
Par Christine Gouzi, critique parue dans L'Objet d'Art 525, juillet-août 2016
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