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Critique de boudicca


Bellovèse est dans de sales draps ! Après sa résistance héroïque à Autricon face aux guerriers ayant choisi de se rebeller contre le haut-roi, le voici tombé, seul, aux mains de ses ennemis. Et ils sont nombreux ! Qui, alors, aura le privilège de prononcer la sentence ? Articnos, le roi des Eduens dont il a sérieusement contrecarré les plans ? Ou le mystérieux gutuater, désormais promu au rang de grand druide ? Mais ne coure-t-il pas aussi tout simplement le risque de périr de la main même de l'un des héros dont il a tué de si nombreux frères une nuit plus tôt ? La situation du jeune guerrier n'est guère reluisante et ne manque pas de lui laisser un goût amer : après avoir réussi à s'extirper de sa condition d'otage et avoir gagné le respect de ses pairs par sa vaillance, le voici redevenu simple prisonnier, dépouillé de toute l'estime et de toutes les possessions qu'il avait pu acquérir jusqu'ici. Il en faut, de la force de caractère, pour garder la tête haute lors d'une épreuve pareille, car c'est bien « dans la défaite bien plus que dans la victoire qu'il convient de déployer de la grandeur pour demeurer fidèle à soi-même. » le récit de Bellovèse reprend donc exactement à l'endroit où on l'avait laissé il y a deux ans, presque comme si aucune interruption n'avait eu lieu ce qui peut, dans un premier temps, déstabiliser le lecteur. Initialement prévue comme une trilogie, « Rois du monde » a en effet du faire l'objet de plusieurs découpages de la part de l'auteur et de l'éditeur, le second tome (« Chasse royale ») se retrouvant scindé en trois tomes distincts dont la dernière partie devrait paraître l'année prochaine.

Une fois les wagons raccrochés, il faut admettre que l'on se remet assez rapidement dans le bain. Comme dans les précédents tomes, le roman est constitué de plusieurs récits enchevêtrés relatés par le vieux Bellovèse qui revient sur les moments clés de son parcours. Seulement il arrive fréquemment que la version plus jeune de lui-même doive à son tour revenir sur tel ou tel événement antérieur, ce qui permet à l'auteur de construire son récit de manière non chronologique et de naviguer entre plusieurs époques de la vie de son héros. Il n'en résulte toutefois aucune confusion pour le lecteur, tout juste une pointe de frustration dans le premier tiers du récit où les réminiscences du personnage paraissent peut-être un peu trop artificielles et où on se préoccupe davantage de connaître le sort qui sera réservé à Bellovèse après sa capture que les détails de son passé. On se laisse malgré tout vite captiver par le récit de sa rencontre avec ses plus proches compagnons ou celui de sa vie auprès de sa femme et ses filles, autant d'éléments qui permettent d'enfin combler une partie des trous de l'histoire du guerrier. Outre l'attrait pour l'intrigue, le plaisir que l'on prend à la lecture de cette deuxième partie tient également à deux choses : la plume de l'auteur et le caractère incroyablement immersif de son récit. Ceux qui ont déjà eu l'occasion de lire du Jean-Philippe Jaworski savent fort bien que l'auteur possède un style élégant, jamais lourd ou pompeux mais au contraire fluide, soigné et presque musical (pour avoir entendu l'auteur déclamer un passage du roman lors des dernières Imaginales, je peux vous dire que le texte envoie aussi bien à l'oral qu'à l'écrit !).

La qualité de l'écriture à elle seule ne suffit cependant pas à transporter le lecteur dans l'époque et l'univers dépeint. Non, pour cela, il faut aussi de la matière, des termes, des notions, des coutumes qui paraîtront dans un premier temps totalement étrangers au lecteur mais qui lui permettront, le temps de sa lecture, de se glisser lentement dans cette autre réalité. L'érudition dont fait preuve l'auteur pour faire revivre de manière la plus exacte possible l'époque dont il est question ici est indéniable et nous permet de mieux appréhender certains concepts clés comme le rapport des Celtes au sacré ou les hiérarchies qui prévalaient entre eux. Cette seconde partie nous en apprend également beaucoup sur la pratique du filage (sujet à propos duquel l'auteur aurait bénéficié des conseils d'une certaine Justine Niogret...), activité exclusivement réservée aux femmes. Et ce sont effectivement les femmes qui sont mises à l'honneur ici. Après avoir évoqué par le menu l'évolution et les détails de sa relation avec son cadet, son oncle ou encore les guerriers constituant ses plus proches compagnons, voici venu pour Bellovèse le temps de revenir sur ses rapports avec la gente féminine. Il y a d'abord Prittuse, la haute-reine répudiée à la réputation de magicienne à multiples facettes et qui tient entre ses mains le sort du jeune homme. Il y a aussi sa mère, qui n'a toujours pas digéré le ralliement de son fils à Ambigat. Et puis il y a Sacrila, sa jeune demi-soeur bien trop sagace pour son âge ; Caturigia, sa belle-soeur aussi froide que sublime ; et enfin sa femme et ses filles à qui il voue une affection sincère malgré le sévère coup porté à son mariage. Autant de personnalités fortes et plus ou moins bienveillantes qui toutes, d'une manière ou d'une autre, ont joué ou seront amenées à jouer un rôle dans le destin de notre héros.

Sans surprise Jean-Philippe Jaworski nous offre avec cette deuxième partie de « Chasse royale » un roman excellent qui séduit aussi bien par la qualité de sa narration que celle de ses personnages ou encore de sa reconstitution de la civilisation celte de l'époque. Reste maintenant à patienter pour découvrir la troisième et dernière partie de ce deuxième tome avant l'arrivée du troisième (et normalement dernier) volume de « Rois du monde » (« La grande jument »).
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