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Critique de Eric75


Il y a quelques années, je suis tombé par hasard sur un livre de Jean Emile Charon datant de 1983 intitulé « L'Esprit et la Relativité complexe ». En feuilletant cet essai, on remarque immédiatement la profusion de formules mathématiques très pointues, numérotées pour faciliter les démonstrations, rappelant furieusement les équations d'Einstein, et d'ailleurs présentées comme une « extension » de celles-ci.
Chacun sait qu'Einstein a élaboré au début du vingtième siècle deux théories de la Relativité qu'il baptise : Relativité restreinte (en 1905) et Relativité générale (en 1916). La première s'est limitée à l'étude des référentiels galiléens en mouvement rectiligne et uniforme ; la seconde a permis d'élargir le concept de relativité à tous les types de déplacement, par exemple accélérés et sur des trajectoires courbes. Einstein en déduit, uniquement par des raisonnements logiques et des « expériences de pensée » (les confirmations expérimentales ne viendront que plus tard, par exemple lors de l'éclipse de soleil de 1919), la fin de l'espace et du temps absolus, l'impossibilité de dépasser la vitesse de la lumière, l'équivalence gravitation-accélération, l'équivalence masse-énergie (rendue célèbre par la formule E=mc2), et un modèle cosmologique décrivant l'ensemble de l'Univers (pour faire court). Mais la théorie de la Relativité générale, au grand dam d'Albert Einstein, restait incompatible avec les principes et les résultats formulés par la mécanique quantique, qu'il avait d'ailleurs lui-même contribué à mettre au point. On sait qu'Einstein, jusqu'à la fin de sa vie, chercha sans la trouver une théorie dite unifiée capable de décrire toutes les lois de la physique.
Alors, me suis-je demandé, Jean Emile Charon, avec sa « Relativité complexe » était-il parvenu à découvrir ou à approcher le Saint-Graal des physiciens ? Ses recherches lui ont-elles permis d'aboutir à la Grande Unification ou, à défaut, de mettre en avant certaines pistes permettant d'y parvenir ? Notons que la Gravitation quantique à boucles, la théorie des cordes, super-cordes, théorie M et autres candidates au titre de Théorie du Tout n'étaient pas encore connues du grand public à cette époque. Et que venait faire l'Esprit dans tout ça ?
L'idée initiale de Jean Emile Charon est toute simple. Il postule le doublement du nombre de dimensions de l'espace-temps de Minkowski utilisé par Einstein (soit 2 x 4 = 8 dimensions) en ajoutant aux 4 dimensions réelles (3 d'espace et 1 de temps), 4 dimensions supplémentaires affublées de i, l'unité imaginaire qui donne -1 élevée au carré, à l'instar du plan complexe, en maths, qui possède deux fois plus de dimensions qu'une simple droite matérialisant l'ensemble des nombres réels. L'espace réel, visible, est donc d'un seul coup doublé d'un espace qu'il qualifie d'« imaginaire », invisible, dont il démontre certaines propriétés (à défaut d'en démontrer l'existence).
Tout d'abord, les lois de l'entropie s'inversent, et cet espace devient « négentropique » (à entropie négative). Dans notre monde – pour donner une interprétation imagée la deuxième loi de la thermodynamique – c'est le b*** et le désordre va croissant, alors que dans le monde imaginaire, l'ordre s'organise tout seul et va croissant. Charon annonce que les particules élémentaires ont leur reflet dans ce monde imaginaire, qu'il appelle des éons. Il n'en faut pas plus pour en déduire que ces éons, générateurs d'ordre et en liaison constante depuis le big-bang avec le reste de l'Univers, sont le siège de la conscience, de la mémoire et de l'Esprit, cette chose invisible.
On reste confondu devant un tel ramassis de niaiseries new-âge.
Tout le discours est enjolivé de jolies courbes et équations relativistes supposées apporter de la crédibilité, via un bagage mathématique sérieux, à ce tissu d'âneries.
Charon ne craint pas d'affirmer que sa théorie lui a permis de retrouver par le calcul et à moins de 1% près 14 des paramètres utilisés en physique théorique (pourquoi, comment, lesquels, ce n'est pas décrit ici).
Les expériences d'Orsay de 1981 sur l'intrication quantique ont dès lors une explication toute simple : les éons, qui sont des particules psychiques, sont également des particules télépathes : « il est clair que les principes utilisés ici (constituent) une base scientifique de ce qu'on appelle généralement les phénomènes télépathiques » (page 211).
En vérité, Charon ne démontre rigoureusement rien, et ce faisant, il s'écarte de la démarche scientifique pour entrer, mais en catimini et de façon bien hypocrite, dans un processus relevant de la croyance, du paranormal et de la religiosité, vaguement inspiré des idées de Teilhard de Chardin (théologien philosophe inventeur de la noosphère).
Cet essai est aujourd'hui épuisé, mais si tout ceci vous intéresse, vous pouvez en lire gratuitement des extraits sur le net au format pdf (http://gallica.bnf.fr/).
Charon n'en reste pas là. Après « L'Esprit, cet inconnu » (1977), « Mort, voici ta défaite » (1979) et « L'Esprit et la Relativité complexe » (1983), ses ouvrages ultérieurs vont s'intituler : « J'ai vécu quinze milliards d'années » (1985) ; « Et le divin dans tout ça ? » (1998). Ces ouvrages, tous publiés en France chez Albin Michel, ne sont jamais cités dans les bibliographies des colletions scientifiques. Charon organise sur ses théories interviews et conférences qui dureront jusqu'à la fin de ses jours (moins de quinze milliards d'années cependant, car il meurt en 1998).
J'étais encore jeune et naïf à l'époque. Depuis, je ne confonds plus les éditions Odile Jacob avec les éditions Albin Michel dès lors qu'il s'agit de découvrir des ouvrages sérieux relevant de la vulgarisation scientifique.
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