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Critique de Milllie


Kukum, la grand mère en langue innue, peuple autochtone du nord est du Canada. La Kukum du titre c'est Almanda Siméon, arrière grand mère du journaliste québécois Michel Jean auteur de ce livre. Orpheline recueillie par des fermiers pauvres, elle tombe amoureuse d'un jeune Amérindien et décide de le suivre sur les bords de Pekuakami (le lac St Jean) puis dans la migration hivernale de sa famille vers des contrées plus au nord.

Kukum nous est raconté par la voix de Almanda Simeon, devenue une vieille dame contemplant son cher Pekuakami et revenant sur les épisodes principaux de sa vie. le roman commence tout en douceur par de brefs épisodes très poétiques, la rencontre entre la jeune Amanda, orpheline gardant les vaches dans un champ au bord de la rivière et le beau Thomas, un indien innu, dont elle tombe immédiatement amoureuse, le courage qu'il faut à la jeune fille pour tout quitter et suivre son amour, s'intégrant à sa famille, au peuple innu, découvrant leur langue et leurs coutumes. C'est ensuite l'aventure de la migration hivernale vers le grand Nord en remontant une rivière et en installant un campement pour l'hiver, qui sera consacré à la chasse et à la préparation de fourrures vendues au printemps. le récit est très prenant et très vivant, on découvre la vie dans ces espaces sauvages et toutes les capacités d'adaptation dont Amanda doit faire preuve pour apprendre à chasser, à tanner les peaux, à coudre, bref à mener la vie du peuple dont elle fait maintenant partie.

Je pensais que Kukum ne serait "que" cela, un roman décrivant la vie harmonieuse des indiens dans la nature et faisant revivre ces épisodes passés d'un point de vue intimiste et avec le regard neuf d'une femme venue de l'extérieur. le tournant opéré au milieu du récit m'a donc cueillie par surprise, me laissant d'autant plus bouleversée qu'il est brutal et que je ne l'avais pas vu venir. Alors qu'Amanda a passé les années les plus difficiles, qu'elle est maintenant bien intégrée à la famille de Thomas et a eu elle-même des enfants, on sent petit à petit la modernité arriver et le monde changer. Mais un automne c'est la catastrophe : la rivière conduisant au territoire de la famille est rendue impraticable par le bûcheronnage, la forêt tout entière a été dévastée et l'eau est couverte de troncs, empêchant toute navigation. C'est le début de la sédentarisation forcée pour les innus, obligés de regagner leur campement estival et de trouver une solution pour y rester. le récit bascule alors, l'auteur trouvant les mots justes pour décrire la violence extrême des événements, l'injustice absolue faite aux indiens, eux qui ont toujours respecté la nature et qu'on chasse soudainement de leurs territoires massacrés par la folie expansionniste des colons, le tout sans aucun recours possible. C'est le coeur serré que j'ai lu la deuxième partie du livre, les chapitres s'enchaînent et décrivent implacablement le lent déclin du mode de vie innu traditionnel, la sédentarisation forcée, la pauvreté, l'alcool pour oublier. Et malgré tout, ce portrait d'une femme toujours debout, d'une femme d'origine blanche devenue de tout son coeur et de toutes ses forces une vraie Innue, qui ne cessera jamais de lutter, de se battre pour défendre les valeurs que ce peuple lui a enseigné. C'est bouleversant, c'est révoltant, on a beau avoir appris tout cela en cours d'histoire c'est la première fois que je le vois aussi bien mis en mots et incarné dans un récit qui nous fait vivre les événements de l'intérieur.

Kukum, une magnifique découverte, un texte fort et en même temps empreint de tant de douceur et de respect. Aucun sentimentalisme ni aucun exotisme mal venu ici : l'auteur trouve les mots justes pour faire revivre ce magnifique personnage qu'est Amanda, cette étrangère devenue une vraie indienne qui en quelques centaines de pages nous fera découvrir et ressentir toute une culture et un mode de vie malheureusement aujourd'hui en partie disparus. Ne vous laissez pas rebuter par le côté un peu lent du début ou par la couverture et le titre un peu mystérieux et précipitez-vous sur ce livre inclassable qui vaut vraiment la peine d'être lu !
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