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Critique de SophieLesBasBleus


En juillet 1892, Eugénie, toute jeune femme timide et introvertie, passe les mois d'été chez Madame Courcelle, au château de l'Islette, près d'Azay-le-Rideau, où elle s'occupe de Marguerite, la petite-fille de la châtelaine. Pendant son séjour, elle est fascinée par la personnalité d'une autre jeune femme qui loue une chambre au château. C'est une sculptrice, amie de Monsieur Rodin, et elle se nomme Camille Claudel. Celle-ci dessine, se baigne, correspond avec Claude Debussy, lui-même tout occupé à créer le "Prélude à l'après-midi d'un faune", et profite de la nuit pour sculpter une nouvelle oeuvre. Eugénie ne sait pas encore que cette rencontre va bouleverser sa vie.
La vie de Camille Claudel attire irrésistiblement le romanesque. Sa destinée tragique, les lacunes de sa biographie, son silence même, laissent une grande place à l'imagination qui vient combler les vides pour tenter de construire en récit une trajectoire cohérente. de faits avérés, son histoire est avare et l'incertitude règne, par exemple, en ce qui concerne une possible grossesse menée à terme (en réponse à une question de Judith Cladel, Rodin a formellement démenti la naissance d'un ou plusieurs enfants "J'aurais su, alors, où était mon devoir" avait-il répondu à la question précise de sa biographe). En revanche l'avortement semble, lui, attesté par une lettre de Paul Claudel à Marie Romain-Rolland. Littérature, films, chorégraphies, pièces de théâtre... on ne compte plus les interprétations, plus ou moins réussies, plus ou moins documentées, plus ou moins crédibles, de la biographie de la sculptrice. C'est dire si j'appréhendais la lecture du roman de Géraldine Jeffroy !
Ma surprise fut heureuse : l'habileté de l'auteure a été de donner apparemment davantage d'importance à Eugénie, la narratrice, qu'à Camille Claudel que l'on découvre par les yeux de la préceptrice et de l'enfant, donc de manière explicitement subjective. Autre finesse du scénario, la part accordée au travail de création et à son mystère place le roman à une période charnière sur le plan artistique : Rodin avec son Balzac, Debussy avec le "Prélude à l'après-midi d'un faune", sont sur le point de donner un nouveau souffle à la sculpture et à la musique, un souffle si puissant qu'il va mener jusqu'à la modernité (malgré l'amour que je porte aux sculptures de Camille Claudel, je reconnais qu'elles ne font pas partie de cette "avant-garde" suscitant les débats esthétiques, perturbant les habitudes et les attentes des critiques et du public). L'écriture sensible donne un charme un peu désuet à ce joli roman qui, en point de chute, relie la tragédie de Camille Claudel à celle de la première guerre mondiale.
Une lecture bien agréable !
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