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Citations sur Lascaux et le ciel de la préhistoire (34)

Tout au long de la nuit, puis à l'aube finissante, quand sur l'horizon est, les spectateurs du firmament regardaient émerger tous les corps célestes de ce que les anciens nommaient « la grande caverne ». Ils les admiraient avançant à la même allure, tel un troupeau, s'élevant tous de la gauche vers le sud à droite ; puis ils les observaient redescendre tous à l'unisson vers l'ouest avant de disparaître. Puisque le Soleil, la Lune, les planètes et toutes les constellations surgissaient de cette « grande caverne », il était logique que les poètes et les artistes aient visualisé des animaux pénétrant ou sortant des grottes ou des cavités qui leur servaient de refuge quand régnait l'obscurité glaciale. Il était normal alors, que le soir, tournés vers le couchant ils les aient imaginés allant s'abriter dans les excavations comme ils le faisaient eux-mêmes.
Il s'avère que les mythologies lettone et lituanienne reflètent toutes deux, un état d'âme encore plus simple, donc plus intelligible que la phraséologie des hymnes les plus anciens.
Mais l'art pariétal nous fait remonter beaucoup plus loin que les légendes grecques ou les chants védiques dont les textes d'après Max Müller nous montrent parfois : « Le flux de la pensée mythologique jaillissant de la source vive du cœur humain. »
p. 150
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Cependant, des questions se posaient quant au pourquoi de l'ornementation de certaines cavernes, de certains habitats, tandis que d'autres, longtemps occupés, n'étaient pas sanctuarisés.
« On s'interroge encore sur la raison pour laquelle certains lieux de séjour présentent une ornementation pariétale, parfois très élaborée, alors que d'autres en sont dépourvus. » Sacchi Dominique.
L'étude que j'ai faite sur l'orientation des grottes et des abris ornés souligne d'abord pour tous les sites ornés la constance d'une sélection d'issues vers les repères tropiques. De plus, on observe que les sites ornés qui n'ont pas été habités sont quand même orientés dans ces directions spécifiques, et que les sites occupés dans ce passé lointain, mais qui ne sont pas décorés ne sont pas en face de ces positions solaires privilégiées. Ces ouvertures vers les phénomènes solsticiaux et équinoxiaux n'ont par conséquent pas été choisies pour un confort journalier de chaleur et d'éclairement, mais pour des raisons de mises en lumière périodique de ces sites.
Il s'avère donc en premier lieu que l'espace de l'Homo-sapiens du Paléolithique supérieur n'est pas homogène étant donné qu'il y a des zones dont la qualité est différente des autres avec des barrières, des porches, des tabous, des ruptures. Mais par ailleurs, ces directions célestes préférentielles indiquent que les chasseurs-cueilleurs valorisaient les périodes solsticiales et équinoxiales qui découpaient non seulement la « ronde solaire », mais aussi le temps quotidien puisqu'il s'agissait des levers et couchers solaires.
C'est pourquoi ces sites ornés étaient sacralisés et séparés des lieux profanes. Chacun d'eux était un centre du monde, un axe autour duquel s'étalait un territoire neutre, sans possibilité d'orientation, sans repère spatial temporel fixe.
De cette façon s'explique et se confirme la sacralité des grottes ornées, ainsi que le rôle des œuvres pariétales qui signalent et mettent en scène l'espace et le temps sacrés des Cro-Magnons les plus anciens.
Ces œuvres d'art millénaires, que l'on continue à découvrir au fur et à mesure des fouilles, sont les uniques éléments tangibles qui nous restent ...
p. 143
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Après avoir contemplé ce croquis ou recréation de cette scène, visualisez cet ensemble des deux bouquetins les yeux fermés. Vous découvrez ainsi la perfection et la continuité du symbolisme des formes animales à travers les millénaires. Continuité qui n'aurait sans doute pas existé si les Paléolithiques avaient utilisé un texte écrit. Les langues changent, meurent et disparaissent mais les animaux ne changent pas. Sauf en cas de disparition de l'espèce. Et l'on commence tous à toucher du doigt l'avantage de représenter un animal ou un groupe d'animaux pour exprimer les phénomènes de l'environnement.
p. 198
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«  Lascaux et le ciel de la préhistoire  » - “arguments cosmographiques pour un art pariétal structuré” ; Chantal Jègues-Wolkiewiez ; éditions AUTOEDITION © 2020
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Tout en descendant vers le fond du Diverticule axial, bien qu'en principe je sois mal à l'aise dans le désordre, je me sentais de mieux en mieux au milieu de ce qui au premier abord m'a semblé un fouillis indescriptible qui « respire la joie de vivre », comme lorsqu'on est entouré d'enfants insouciants et en pleine santé qui s'amusent dans une cour de récréation. Et au fur et à mesure de mon chemin vers le fond rouge ardent du méandre, malgré la lueur parcimonieuse offerte pour la visite, j'eus une sensation que sur l'instant je ressentis comme « somptueuse » : celle de m'avancer vers ce qui s'appelle la « gloire du Soleil », ce phénomène lumineux qui se produit dans la direction opposée à l'astre du jour qui se couche. Il est provoqué par des particules atmosphériques (poussières, gouttes d'eau) de la lumière solaire autour du point antisolaire. Une couronne rouge se forme autour de son ombre projetée dans la brume, les nuages ou les gouttes de rosée posées sur l'herbe.
En regardant les vaches tournoyantes de la voûte, en voyant le taureau magnifiquement furieux avec ses sept têtes sur la paroi de gauche dite “nord” par les archéologues, dans mon esprit se bousculaient les chants du Rig-Véda, (Il, 24, 3) :
« Brihaspati a fait sortir les vaches : par une parole il a pourfendu la caverne, il a fait disparaître les ténèbres et rendu visible le Soleil. »
« Cette haute intuition-poétique à sept têtes, 191notre père (Brihaspati) l'a découverte, née de la Vérité. » (RV. X.671)
Quant au grand cheval qui précède le grand taureau, je me dis : « Tiens, on dirait Trita, le Soleil qui va constamment se coucher et qui est venu aider Brihaspati pour lutter contre Vala ce génie hivernal qui retient prisonniers les éléments de la Création : le Soleil, les aurores, le feu, les eaux primordiales, la vie... »*
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* Je fais allusion au mythe d'origine indo-européenne, qui évoque la mort que connaît le monde durant l'hiver. Vala est le symbole de l'hibernation et de l'affaiblissement de la nature. Lorsque Vala est fracturé par le chant de Brihaspati (le Taureau), les Vaches de l'aurore sont délivrées. Trita, sous la forme d'un cheval représente le Soleil déjà couché, qui aide Brihaspati Taureau à sept têtes) Le retour du printemps est annoncé par les « Angiras » qui sont les messagers de la nouvelle saison.
p. 196
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Au-delà des Védas, mais en deçà des Paléolithiques dispersés à travers l'Europe de l'Est par la fonte des glaciers, les Lettons et les Lituaniens par exemple, ont laissé transparaître dans leur folklore un état d'âme encore plus simple et plus primitif que ces hymnes. Leurs chants nous livrent des images qui sont tellement comparables à celles que l'on admire sur les parois de Lascaux que l'on peut aisément avoir en tête que les artistes solutréens étaient proches de :
« ... ces êtres dont les oreilles étaient emplies par la musique des étoiles et que leurs pensées jaillissaient de la source vive du cœur humain. »
Pour ces peuples slaves “premier”, la vache noire est un nom de la nuit, la mère des vaches est l'aurore, le bœuf gris ou blanc est le jour, le taureau gris est le crépuscule, les chevaux sont ceux du Soleil ou de la Lune, on dit qu'à l'aube l'étoile du matin allume ses feux et que l'étoile du soir fait son lit à la brune. Ou alors on nous raconte que le Soleil coupa la Lune en morceaux pour avoir enlevé la fiancée de l'étoile du matin...etc.
« On parle dans sa propre langue, on écrit en langue étrangère » Jean-Paul Sartre.
Ici, au cœur du sanctuaire, les représentations animales, leurs rythmes, leurs couleurs, leurs positions étant porteuses de leurs mots, de leurs idées, sont comparables aux expressions et aux mots surtout qui sont analogues aux nôtres lorsque nous écrivons.
p. 189
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Je me rendis compte alors, que déjà à la sensation naturelle se superposait une signification conforme à ma culture. Mais après tout, en ce lieu n'étais-je pas aux racines de cette culture ?
p. 197
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Donc, puisque vous acceptez l'idée que les constructeurs de Carnac organisaient leurs mégalithes en fonction des mouvements solaires ou lunaires, ou que les Égyptiens orientaient leurs pyramides ou leurs temples en utilisant les mêmes données, il faut accepter le fait que bien avant eux, les Préhistoriques du Paléolithique supérieur non seulement utilisaient déjà ces données solsticiales comme structure de leur art, mais que de plus, ce sont vraisemblablement eux qui les ont découvertes.
LE SENS DES ANIMAUX
Aussi bien les textes égyptiens, sumériens, iraniens que les Védas fourmillent de comparaisons concernant la sortie des chevaux, des vaches, et autres animaux de la grande caverne lors du lever solaire, ou de leur entrée au moment du coucher. Plus tard, les Grecs, les Étrusques et les Romains ont pensé de même et ils ont organisé leurs œuvres d'art qui toutes racontaient le ciel et ses habitants en faisant référence aux déplacements des corps célestes.
p. 152
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Dans ces deux cas, l'animal ensoleillé a été positionné en alignement avec le seuil solsticial. Quand il est dans une caverne si celle-ci est ouverte vers l'orient, il sera tourné de telle façon qu'il sort de la grotte, comme le matin le Soleil sort de l'horizon. Un « vouloir de construction », que je trouve très sophistiquée, de la part des artistes a souligné ce changement de direction solaire sur l'horizon par un mouvement de volte-face d'un cheval qui est éclairé, donc valorisé par le Soleil levant solsticial.
La plupart du temps, ce fut un cheval qui a signifié l'avancée de la lumière solaire. Ce fut le choix pour de nombreuses cultures antiques. D'abord parce que c'est un animal rapide et aussi, car c'est un animal diurne qui toutefois s'accommode parfaitement de l'obscurité pour se déplacer. Il peut tout aussi bien être présent pour accueillir la lumière du soir, que celle du matin. Il est aussi celui qui est considéré comme le « conducteur des abysses ».
p. 151
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N'oublions pas que bien que toujours au même endroit par rapport à la terre, le Pôle céleste nord s'est déplacé parmi les étoiles circumpolaires en raison de la précession des équinoxes. En revanche, les constellations ont conservé la même position les unes par rapport aux autres. Ce qui signifie que le Sagittaire par exemple a de tout temps été entre le Capricorne et le Scorpion. Ou bien, l'étoile Aldébaran, appelée aussi l’œil du Taureau qui a toujours été opposé à l'étoile Antarès de la constellation du Scorpion nommée par les Grecs. C'est pourquoi l’œil du grand Taureau de Lascaux (côté sud de la salle) est en face de l’œil de l'Aurochs moucheté (paroi nord) de la même salle. On peut se demander pourquoi moucheté ? Tout simplement parce que la forme et les coordonnées de cet aurochs sont en place de la Voie lactée cette bande céleste mouchetée de millions d'étoiles. Et logiquement, ces points noirs sur l'aurochs seraient la représentation d'étoiles proches les unes des autres.
p. 145
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L'ESPACE DES PALÉOLITHIQUES RÉVÈLE LES TEMPS SACRÉS DE LEURS RITES
Chaque point de l'horizon correspond à un temps du mouvement des corps célestes.
« Le temps s'écoule toujours, tandis que l'espace ne s'écoule pas. » Lochak Georges.
La mesure du temps, c'est vrai, dépend du mouvement qui le relie organiquement à l'espace de notre terre. Mais heureusement, cette citation de Louis de Broglie est également vraie, car si l'espace s'écoulait comme le temps il serait impossible de l'étudier pour retrouver ce temps et la qualité qui l'ont marqué.
Après les découvertes et la collecte des œuvres d'art mobilières et pariétales dans les sites préhistoriques, les chercheurs firent des essais de synthèse pour dégager une vision organisée de cet ensemble de plus en plus riche et varié. Puis, comme pour toutes les Sciences humaines, diverses disciplines vinrent à la rescousse aussi bien pour la datation des œuvres, la technique des artistes, les statistiques, que pour la localisation topographique, etc. Malheureusement ni l'astronomie ni l'ethnoastronomie ne furent sollicitées. Un peu comme si l'on avait peur de découvrir la vérité !
p. 142
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