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Critique de HordeDuContrevent


J'aime de plus en plus voyager dans l'espace. La galaxie est étrange, et ses terreurs variées. Ses paysages aussi. Prenez la planète Umbai-V, son soleil rouge et à sa culture de dheba, sorte de céréale gélatineuse violette. Quels contrastes de couleurs cela offre aux paysages, quelle lumière ainsi diffusée, quelles étranges créatures dignes d'un conte fantastique rencontrées dans ses forêts ! Si le dépaysement d'un pays à l'autre sur Terre ne manque pas de nous émerveiller, imaginez ces dépaysements à l'échelle de la galaxie, d'une planète à une autre. J'ai adoré éprouver cette excitation de la découverte dans cette formidable épopée, excitation qui n'est pas sans me rappeler celle ressentie récemment pour « Apprendre, si par bonheur » de Becky Chambers. Et, j'ai été ravie de découvrir une SF profondément humaine. Un space-opera poétique, original, haletant. Quelle lecture agréable et addictive !

« Un soleil rouge brillait au-dessus de la vallée. Au bas de la colline, les champs de dhuba s'étendaient à perte de vue, aussi violets que dans son souvenir. Dans la lumière de l'aube, les tiges flamboyaient comme de l'or ».

Cela fait mille ans que la Terre, malmenée par sa population, est devenue inhabitable. Grâce notamment au génie de Fumiko Nakajima, scientifique de génie, les humains vivent désormais dans des stations spatiales, conçues et gérées par des multinationales puissantes, sur des exoplanètes, et se ravitaillent auprès de planètes ressources. Les déplacements se font grâce à la Poche, une contraction de l'espace et du temps. Quelques mois passés dans la poche se traduisent en années sur une planète. Nous ne sommes pas dans de la hard SF : la Poche ne sera pas davantage expliquée ce qui pourrait fortement déplaire aux puristes du genre. En revanche, les questions qu'elle pose en termes psychologique et philosophique sont nombreuses et passionnantes. En effet, dans la Poche, avec en plus la pratique de la cryostase, on vieillit peu alors que les gens aimés, restés sur les planètes, vieillissent de plusieurs décennies. le temps n'est pas le même pour tous…Comment peuvent évoluer les liens affectifs dans ces conditions ? Ne touche-t-on pas là au principe d'immortalité ?

Cette épopée cosmique met en valeur l'histoire de plusieurs personnages sur des planètes différentes, personnages que nous allons suivre tout à tour et auxquels nous allons nous attacher tant leurs parcours, leurs histoires, leurs failles, leurs personnalités nous sont expliqués avec un talent narratif remarquable. Nous avons l'impression d'une juxtaposition de petites histoires individuelles, voire de nouvelles, dont certaines sont d'une beauté incroyable. Les liens entre ces personnages s'éclairent peu à peu. Tous sont en effet liés par la présence d'un mystérieux enfant, petit garçon mutique rescapé miraculeusement d'une capsule, pour lequel on pressent un don que je vous invite à découvrir dans le livre. L'ensemble forme un roman très cohérent, touchant et poétique.

Le terme du départ, de la séparation est au coeur de ce récit singulier. Les relations sont souvent rompues brutalement, du fait de cette distorsion de l'espace et du temps, du fait de choix professionnels primordiaux pour la survie de l'espèce, du fait de catastrophes. Tous les personnages sont rongés par ce mal qu'est la solitude. La capitaine Nia va ainsi fortement s'attacher au petit garçon. Cette attachement sera source d'une mission particulière et exigeante : Nia devra protéger ce garçon afin qu'il puisse développer cet hypothétique don. Un contrat qui la lie, elle et son équipage, pendant 15 ans, 15 ans à voyager dans les Confins.

« Nous avons sillonné les Confins, laissant derrière nous des années d'anecdotes. Nous avons voyagé sans relâche. Et pourtant, après tout cela, toute cette agitation et cette attente, le garçon ne manifeste aucun signe de son don. Je n'y crois plus. Aucun de nous n'y croit ».

Tout au long du livre nous nous rendons compte que si la vie a complètement changé au 32è Siècle, ce qui n'a pas changé est l'aptitude de l'humanité à perpétrer violences et cruautés, à éprouver jalousie et mesquinerie. Nous le constatons en découvrant le passé atroce de cet enfant, en étant témoin de l'éducation pour le moins surprenante de la jeune Fumiko Nakajima, et la fin du livre en offre un concentré surprenant.

« Pour chaque faute, une correction. Un coup de bâton télescopique, une côte cassée et ressoudée en quelques instants, ne laissant que le souvenir de la fracture, et une capacité intacte à exécuter les tâches exigées. Dans cet univers qui attachait une telle importance à la maîtrise de soi sous toutes ses formes, même le fait de ne pas respirer convenablement pouvait valoir une punition ».


Certes, l'auteur ne donne pas toutes les clés de son univers et décrit relativement peu certains aspects, il s'affranchit ainsi facilement d'explications scientifiques permettant de rendre crédible son monde, mais étonnement cela ne gêne pas du tout la lecture et la compréhension de l'histoire. Il m'est même d'avis que cette SF peut plaire aux lecteurs peu habitués du genre. Rebondissements, histoires d'amour marquantes, psychologie, de nombreux ingrédients sont convoqués. Simon Jimenez distille même quelques essences de fantastique, voire quelques touches gothiques, venant rafraichir agréablement le récit.

« La fraîcheur de la brume qui nappait le sous-bois, s'enroulait en vrilles grises sur son corps nu et laissait des traînées de rosée sur sa poitrine et ses cuisses. Il prit conscience de sa nudité. Jusque-là parvenues au compte-gouttes, les informations affluèrent. le bruissement d'ongle cassé des feuilles, malmenées par le vent qui s'égosillait entre les branches ; le trottinement écoeurant d'insectes sur ses mains et ses pieds, le frôlement sur sa peau de bestioles aux pattes trop nombreuses, affleurant à la surface du lit végétal, avant de replonger ».

Un immense merci à @Ichirin-No-Hana pour m'avoir offert cette lecture, je ne pensais sincèrement pas prendre autant de plaisir !
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