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Critique de latina


« Aliliane = salope »
Voilà ce qui est écrit sur le mur de la résidence secondaire du conseiller du roi, Gansberg van der Noot, à Barzée, au fin fond des Ardennes.

Nous sommes en juillet 1950 exactement, en Belgique. Pour les Belges qui ont oublié cette partie de leur histoire, pour les Français qui n'en ont jamais entendu parler, je vais expliquer le contexte en me servant des mots de l'auteur dans son « avertissement ».
« Envahie par les armées allemandes le 10 mai 1940, la Belgique capitula le 28 mai. Un conflit opposa le roi Léopold III et son gouvernement. le roi, en effet, refusa de suivre les ministres en exil. Il fut assigné à résidence par les Allemands au château de Laeken (Bruxelles). Faisant figure de prisonnier au milieu de son peuple, Léopold s'attira une grande popularité. Cependant, en décembre 1941, les Belges apprirent que le roi venait d'épouser Liliane Baels, une roturière. Depuis 1935, Léopold était veuf de la reine Astrid, morte dans un accident de voiture. Ce remariage eut un effet désastreux sur l'image du prisonnier royal censé partager les souffrances de son peuple. Dans les derniers moments de la guerre, l'ennemi transféra Léopold en Allemagne. Une fois le pays libéré, Léopold et le gouvernement ne purent arriver à un accord permettant le retour du roi dans des conditions qui pussent satisfaire les 2 parties. le roi resta donc en exil jusqu'à l'organisation d'un référendum en 1950. Rappelé à une faible majorité, le roi ne put se maintenir sur le trône que quelques jours, tant les désordres, particulièrement en Wallonie, prirent de l'ampleur. Dans la crainte d'une véritable guerre civile, Léopold préféra céder la place à son fils Baudouin. »

Ceci n'est pas un roman historique, car Léopold n'apparait qu'en filigrane, et le « Conseiller du roi » est un personnage inventé. Mais quelle invention ! Armel Job excelle encore ici dans le déploiement d'une intrigue cousue de malentendus, de quiproquos, de renversements de situation, d'apparences trompeuses, et assortie d'un meurtre. Ce Gansberg van der Noot, dont le mariage n'a plus que les apparences (il réside à Bruxelles avec sa femme et leurs 4 enfants, mais il passe seul tous les week-ends en Ardenne), s'amourache d'une jeune fille du village voisin, Aline, et malheureusement, l'engrosse. Comment réparer ? En l'installant chez lui, à Barzée. Les cancans vont donc se déchainer, mais de manière insidieuse, car Monsieur le Conseiller est un homme puissant et respectable ! C'est plutôt la jeune Aline qui en est la cible. Elle est comparée, dans le chef des Belges de cette région, à une autre femme qui a attiré un homme puissant dans ses filets : Liliane, la nouvelle épouse de Léopold. D'où la fameuse écriture sur le mur, rassemblant dans un mauvais jeu de mots ces 2 intrigantes.
Et nous voilà partis à la chasse avec Mr le Conseiller, au salon de coiffure avec Aline, chez Césarine, la sage-femme, auprès de Jeannette, la téléphoniste qui adore écouter les conversations... N'oublions pas Julien et Rosa, le couple s'occupant de l'intendance et Lambert Renard, ce jeune homme par qui le malheur arrive...Car il y a un meurtre, n'oublions pas ! En 18 jours exactement, la vie de Mr le Conseiller est totalement bouleversée :
« le pire après un coup dur, c'est que la vie ne s'interrompt pas comme on l'espérerait. On voudrait quelques minutes d'arrêt au moins, le temps de se ressaisir, de se rendre compte, de prendre ses dispositions. Eh bien, non ! La vie continue à foncer droit devant elle, à toute allure. Impossible de sauter en marche. Votre fils choisit ce jour-là pour naître. A l'agenda du lendemain, vous avez un roi à convaincre : il doit déposer la couronne, rien de moins. Après quoi, sans désemparer, vous devez la faire ceindre à un autre qui n'a pourtant pas le tour de tête. Les intrigues courantes ne sont pas suspendues pour la cause : elles continuent à grouiller autour de vous. Et si vous tentez de montrer la plaie béante que vous avez à l'âme, les autres, même vos plus proches, n'y voient qu'une égratignure. »
Non, la vie ne s'interrompt pas, Armel Job en a décidé ainsi. Et il nous le fait comprendre à coup de métaphores, de vocabulaire caustique, de phrases ironiques non dénuées de tendresse.
Roman policier, de moeurs, d'amour aussi, sur un fond historique...oui, c'est un peu tout ça, « le conseiller du roi », la vie, quoi !
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