Le plus grand amour était en réalité celui d'un enfant. Cet amour absolvait les pires monstres, supportait les coups, les humiliations, les abus. Tout enfant se devait d'aimer ses parents, il parvenait ainsi à se donner l'illusion qu'ils étaient bons, à se sentir en sécurité avec eux, à se croire aimé en retour. L'amour d'un enfant était incommensurable. Un enfant pouvait aimer au péril de sa vie.
Où est ton coéquipier ?
Dans la voiture. C'est une bleusaille. Sur le seuil, les céréales de son petit déjeuner ont pris l'ascenseur.
[...] À part ça, il gardait de cette journée un petit goût de déception et d'échec - un peu comme s'il avait mordu dans un pain de seigle moisi.
[...] Car on ne se rendait pas à l'improviste chez père et mère - on y était convié. Pour être tout à fait sincère on recevait l'ordre de venir : «tu passeras prendre le café demain à quatorze heures.» Et Mikko n'avait jamais été capable de refuser. Tout au plus, lui était-il arrivé de prétexter vaguement une autre obligation, en pure perte. À l'heure dite, il s'était toujours trouvé sur place.
Ses pensées l'amenèrent à réfléchir à l'amour maternel. De l'avis général, il n'y avait pas d'attachement plus grand et plus noble, c'était un sentiment proche du sacré. Quel mensonge ! Au nom de cet amour, on commettait toutes sortes d'ignominies, on massacrait l'esprit et l'âme d'adultes en devenir, on les poussait à chercher refuge dans la boisson et la drogue jusqu'à ce qu'ils finissent en hôpital psychiatrique où se donnent la mort.
[...] À l'issue de la neuvième incantation, il planta l'épingle dans le dos de sa main gauche, puis dans les jointures de ses doigts, sans hâte, prenant tout son temps pour laisser la souffrance s'installer. Il ne recourait pas à ses pouvoirs, il permettait à la douleur de se manifester, au sang de couler. Il ouvrit les yeux. Parsemé de plaies aux bords enflés, saignant en abondance, le dos de sa main ressemblait à de la viande hachée. Il plia ses doigts de façon à former un poing lâche, l'index pointant vers le bas. Le sang suivit ce chemin jusqu'à l'extrémité de la dernière phalange, d'où il se mit à goutter dans les flammes.