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Critique de Clubromanhistorique


Après l'excellent "Énigme de la rue Saint-Nicaise", voici le deuxième volet des aventures de Donatien Lachance, détective de Napoléon.


L'histoire
Hiver 1804. quatre ans après l'attentat déjoué de la rue Saint-Nicaise, Bonaparte est toujours l'homme à abattre pour certains. Convaincu d'être à nouveau la cible d'un important complot fomenté par les Blancs, il convoque immédiatement le commissaire Donatien Lachance à La Malmaison.
Malgré ses bons états de service, Donatien Lachance a connu une longue traversée du désert après l'attentat de la rue Saint-Nicaise. Parallèlement, son mentor, Fouquet, a été mis à écart et le ministère de la Police transféré sous la direction du grand juge Régnier. Mais un ordre de Bonaparte ne se discute pas et Donatien, heureux d'être de nouveau dans l'action, se rend illico à La Malmaison.
Les faits sont là : depuis le mois d'octobre, cinq chouans en provenance de l'étranger ont été arrêtés à Paris et dans un département de l'Ouest. Mais l'affaire est bien plus grave : Donatien découvre que Cadoudal, encore lui, est derrière ce complot, financé par l'Angleterre, qu'il a quitté l'Angleterre et qu'il se trouve désormais à Paris avec plusieurs complices !
Donatien Lachance se lance alors sur les traces des comploteurs pour déjouer une nouvelle fois ce complot. Et, chemin faisant, tombe sous le charme d'Aurore de Condé, créature ravissante et trouble...


Un personnage complexe
Loin d'être parfait, le personnage de Donatien Lachance en est d'autant plus attachant. Un personnage avec ses aspérités et ses fêlures, qui ne renie pas son passé même s'il n'aime pas en parler tant celui-ci continue de la hanter. C'est d'ailleurs dans ce roman que l'on découvre ses origines et son passé lorsqu'il se confie à Aurore de Condé : enfant bâtard d'un noble, expulsé avec sa mère de la maison léguée par le père à la mort de celui-ci, le jeune homme a suivi les leçons de Fouché, son professeur de mathématiques chez les Oratoriens. La Révolution lui a donné sa vengeance : jacobin enragé, il a secondé Carrier lors des massacres et des noyades de Nantes pour mater la révolte vendéenne. Ayant échappé de justesse à la guillotine après la chute de Robespierre, il est entré dans la police pour y servir Fouché et a fini par adhérer au régime tant il souhaite désormais la paix et la concorde pour son pays.
Cependant, profondément honnête, il se retrouve souvent en porte-à-faux lorsqu'il est confronté au cynisme de Bonaparte et de ses conseillers (Talleyrand et Fouché), à la lâcheté des hommes politiques et à l'injustice au nom de la raison d'État dont la preuve la plus flagrante est l'exécution du duc d'Enghien, innocent des actes qui lui étaient reprochés. Pourtant, Donatien a tout tenté pour le sauver, plaidant sa cause auprès de Bonaparte, parcourant en un temps record la distance entre La Malmaison et Vincennes, argumentant, essayant de repousser l'échéance, se surseoir au jugement, en vain... Après un simulacre de procès, le duc d'Enghien est fusillé le 21 avril 1804 dans les fossés du château de Vincennes. Fusillé au nom de la raison d'État, comme l'indique lui-même Bonaparte :
"... le duc d'Enghien entre dans la conspiration de Georges même sans le vouloir expressément. Il sert de symbole, de point de ralliement à tous les brigands. Il vient apporter le trouble en France, il sert la vengeance des Anglais, sa réputation militaire peut agiter l'armée ; lui mort, mes soldats auront tout à fait rompu avec les Bourbons. Il marqua un temps, puis il laissa tomber sa cynique conclusion.
– En politique, une mort qui doit donner du repos n'est plus un crime."
Las, fatigué, dépité, découragé, Donatien mettre du temps à s'en remettre, ressassant sans cesse les images de l'exécution lui rappelant son propre passé de bourreau de la Vendée. Alors qu'il songe à quitter la police, Fouché le convainc de n'en rien faire, sa démission ne ressuscitant pas le duc d'Enghien : "Quitter la police, c'était abdiquer tout rôle dans L Histoire en marche, qui était, quoi qu'on puisse en penser, la continuation de la Révolution sous d'autres formes." Donatien a fait son choix, celui du camp de l'empereur Napoléon.


Trois visions du monde
Ce roman met en scène trois visions du monde complètement différentes et qui s'opposent encore en ce début du XIXe siècle.
Si Aurore de Condé, petite-fille du prince de Condé, a fui la Révolution pour se réfugier en Angleterre avec sa famille, Donatien Lachance a épousé la cause révolutionnaire – il fut même l'adjoint de Carrier dans les massacres des Vendéens – et a fini par se rallier à Bonaparte, persuadé que celui-ci est le seul à même de rendre la paix et la concorde au pays. Quant à sa femme, Olympe, elle est une féministe avant l'heure et une républicaine convaincue qui voit dans le Premier consul un nouveau tyran prêt à remettre sur pied un pouvoir du même genre que celui des Bourbons.
Mais tous souhaitent que la violence cesse et aspirent à la justice, à la réconciliation et à la paix civile.


De la fiction intégrée dans la grande Histoire
Laurent Joffrin arrive brillamment à marier la vérité historique, la trame romanesque et l'intrigue. Bien que l'on connaisse la fin de l'histoire, le lecteur est happé par le récit mené de main de maître par l'auteur. Suspense, rebondissements, trahisons, fausses pistes, chausse-trappes… tous les ingrédients sont là pour faire un bon policier historique ! Et la fin est vraiment surprenante et inattendue ; on pourrait la résumer par "Tel est pris qui croyait prendre" ou bien par "Rouler dans la farine". L'auteur a sciemment exagéré l'implication d'un protagoniste dans l'affaire, mais cette version est une thèse soutenue par plusieurs historiens, mais je n'en dis pas plus ! En revanche, la toute fin du roman, disons l'épilogue, avec l'intervention de Bonaparte dans les histoires de coeur de Donatien Lachance, me semble peu vraisemblable, l'homme n'étant pas connu par ailleurs pour son romantisme ! Même si Bonaparte avait la manie de marier ses proches selon ses conceptions.
Personnellement, je ne connaissais pas cet épisode de l'épopée napoléonienne. À vrai dire, je n'éprouve aucun intérêt pour Napoléon ni aucune appétence pour cette période de l'histoire de France, mais comme il s'agit d'un personnage d'importance et d'une période cruciale, le roman historique me permet de m'instruire avec plaisir et sans ressentir d'ennui. Et là, ce roman pose les bases qui vont me permettent de me documenter de manière plus approfondie maintenant, car Laurent Joffrin suit à la lettre la chronologie des faits et les protagonistes de l'affaire : Cadoudal, général Moreau, Talleyrand, Fouché, général Pichegru, le malheureux duc d'Enghien... Ce roman permet ainsi de bien cerner les tenants et les aboutissants de l'affaire, les protagonistes, le contexte historique...


Une écriture précise et factuelle
Avec son style direct, dépouillé, vif et précis, l'on retrouve parfaitement bien ici la plume du journaliste Laurent Joffrin. Pas fioritures ni de digressions, place aux faits : ce style colle assez bien d'ailleurs à l'image que je me fais de Bonaparte ! L'auteur a établi un bon équilibre entre les dialogues et les parties descriptives, de manière à bien respecter la forme romanesque. Cependant, cela ne signifie pas pour autant qu'il s'agit d'une lecture facile : ce roman nécessite une certaine concentration et un temps de lecture assez long tant les références historiques sont nombreuses et le contenu dense. D'ailleurs, pour rédiger les dialogues, Laurent Joffrin a notamment lu les Mémoires des grands personnages présents dans le roman ainsi que L'Histoire du Consulat et de l'Empire de Thiers. C'est ainsi qu'il a pu s'imprégner de cette langue plus riche et classique, des mots à la sémantique inusitée aujourd'hui ou tombés en désuétudes, de la phraséologie de Napoléon.
Lien : http://romans-historiques.bl..
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