AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Erik35


SI VIS PACEM... DEMEURE PARESSEUX.

Samuel Johnson impose très vite son style et son point de vue : «Les paresseux sont innombrables : Tout homme est ou espère l'être». Ainsi l'affirme-t-il dans la chronique introductive à cette série de courts et néanmoins réjouissants essais, ou de fausses correspondances de lecteurs, rédigés au rythme d'un par semaine et publiés entre le 15 avril 1758 et le 5 avril 1760 au sein d'une rubrique intitulée "The Idler" - "Le Paresseux", donc - d'une gazette de l'époque répondant au nom de "The Universal Chronicle".

Les éditions Allia ne nous en livrent-là que vingt-et-une, sélectionnés parmi les cent treize publiées et dont certaines sont à attribuer, pour douze d'entre elles, dans l'édition originale, à d'autres contributeurs proches de l'auteur. Vingt-et-une petites études pleines de cet esprit propre au siècle des lumières, intelligentes, décalées, instructives, souvent critiques et amusantes.

Essayiste, lexicographe, poète, chroniqueur, pamphlétaire, dramaturge et romancier peu connu et encore moins traduit en France, la postérité de Samuel Johnson doit beaucoup à la biographie qu'écrira sur lui l'un de ses contemporains et amis, James Boswell dans sa Vie de Samuel Johnson (Biographie considérée comme un modèle du genre). Ces quelques pièces sont une remarquable introduction à l'art de ce penseur, reconnu sur le tard dans son propre pays (en particulier avec son unique roman, Rasselas qui rencontra un important succès), considéré encore aujourd'hui comme l'un des plus grands critiques que la langue anglaise a jamais eu, particulièrement grâce à son "Dictionnaire de la Langue Anglaise".

Que ces textes (qui ne font guère plus de cinq ou six pages chaque) décrivent le paresseux, se moquent de l'armée, évoquent le "métier" d'écrire, abordent le sujet de l'éducation des femmes (de leur apprentissage de la lecture, en particulier), critiquent la mariage, ils ont tous en comment un style d'une élégance propre à l'époque, d'une grande distinction et d'un sens de l'humour très raffiné.

Une lecture revigorante, un peu trop brève sans doute pour se faire une idée complète de l'intelligence et de l'universalité de pensée de cet étonnant personnage - par ailleurs très certainement atteint du fameux syndrome "Gilles de la Tourette" qui effrayait tant de ses coreligionnaires, personne alors ne sachant évidemment en définir la cause -, l'un des plus grands érudits de son temps et polygraphe comme on en rencontre assez peu dans l'histoire, qui se déclarait lui-même paresseux, mais dont le type de paresse est bien plus à rapprocher de celle de ces grands oisifs (l'otium des latins), jamais en manque d'ouvrage ni de projet en cours, abattant une somme colossale d'entreprises, mais sans en avoir l'air, parce que c'est leur plaisir sans jamais être un labeur, plutôt qu'à l'un ces personnages de fainéant, de bon à rien, de gobe-la-lune, si souvent moqués dans l'historiographie populaire et la littérature.

C'est ainsi que ce Paresseux d'un siècle de plus en plus lointain, parvient encore à nous parler, à nous amuser, nous autres contemporains de ce jeune XXIème siècle frénétique. Et ce n'est franchement pas pour nous déplaire !
Commenter  J’apprécie          240



Ont apprécié cette critique (21)voir plus




{* *}