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Citations sur La grâce d'une cathédrale : Reims (1)

EN HOMMAGE AU SOURIRE DE REIMS
Quelle émotion a soulevée à travers le monde le danger couru par la statue de ‘’l'Ange souriant’’ pendant le bombardement de la cathédrale de Reims! En voici une preuve éloquente. Ce sont ces lignes tour à tour enthousiastes et indignées, écrites par une Américaine que révoltent les crimes de la barbarie contre la civilisation.

Après le premier bombardement de la cathédrale, les photographies montrèrent, encore debout et ferme dans sa niche protectrice, le bel Ange souriant de Reims.

Pendant des siècles, sentinelle vigilante, il avait accueilli sous ces portails historiques des pèlerins de toutes nations, qu'intriguait son mystérieux sourire. Les plis soyeux des fières bannières de France, les plumes noires frissonnantes des pompeuses cérémonies avaient effleuré son visage en passant, tandis que les processions défilaient lentement dans l'apparat des couronnements ou des funérailles. Placide et serein, caressé par les rayons dorés du soleil couchant, argenté par la clarté de la lune, blanchi par la neige, les années l'avaient laissé immuable; maintenant, posé sur son socle comme une Victoire, tranquille au milieu du chaos, il souriait encore devant l'attaque haineuse et folle, tandis que les longues files de soldats blessés, soignés par des prêtres blessés eux-mêmes, venaient chercher un abri sous les murs ébranlés de la cathédrale.

Tandis qu'il attendait ainsi l'accomplissement de son destin, on aurait voulu lui demander le secret de son silence pensif et écouter sa réponse. Avait-il encore à la mémoire la vision du soleil radieux de la Grèce? Était-il hanté par le sourire innombrable de la mer? Se rappelait-il les jours ou, dans l'or du soleil couchant, il jouait gaiement à la balle avec ses aimables sœurs d'Athènes, les Vierges souriantes de l'Acropole, aux cheveux tressés, aux robes savamment plissées, dont la riche beauté fut foulée par les hordes perses?

Nous dirait-il d'où venaient ces saintes aux robes grecques, de l'autre côté de la voute, dont l'attitude majestueuse et la réserve grave semblaient un reproche à son humeur enjouée, à son sourire lumineux qui répondait aujourd'hui aux chants héroïques de la France en armes? De quel fronton grec étaient-elles descendues? Quel baptême de feu les avait ramenées jusqu'à cette église chrétienne pour y subir le martyre? Quel secret avait-il lu dans les yeux levés de l'intrépide Pucelle d'Orléans qui, laissant les champs de trèfle de Domrémy avait conduit un roi sous ces portails pour le faire couronner?

Dans les brumes de l'aube ou dans les lueurs du crépuscule, avait-il jamais suivi du regard la main du peintre lombard, s'essayant à saisir son doux sourire pour émerveiller plus tard les foules sans cesse renaissantes dans le palais que borde La Seine? Léonard, enveloppé de son manteau florentin, lui avait-il dit à l'oreille ses rêves de navires ailés, flottant aujourd'hui dans le ciel bleu au-dessus des flèches de sa cathédrale? Et depuis que pleuvent bombes et obus, a-t-il vu ses frères, statues de saints, d'anges et de rois, tomber en poussière, victimes de barbares engins, blancs débris au grand jour, noirs décombres dans les ombres du clair de lune? A-t-il entendu l'Empereur, sans piitié dans son arrogance s'avancer vers les ruines en criant: '' N'épargnez rien? Détruisez tout? ''

Alors ses lèvres souriantes s'ouvrent lentement et, dans un souffle, il murmure: '' Oui, tu l'auras, O Empereur, ta renommée, et les peuples à jamais répéteront ton nom! Érostrate a détruit le temple d'Éphèse. Apportez la marotte du fou!

Lucy Derby Fuller (Boston, octobre 1914)
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