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Critique de fanfanouche24


Choix réalisé à la suite d' une flânerie dans une de mes deux librairies préférées , attirée par le sujet et par la photographie en noir et blanc, choisie par l'auteure, en bande-annonce, je me suis décidée…

Une grande émotion à cette lecture , et je fais chorus aux critiques existantes, élogieuses, largement justifiées

Premier texte de Gaëlle Josse que je lis en deux soirées, prise « aux tripes » tant le style fluide, sobre, rend l'histoire terriblement poignante. Derniers jours de ce gardien d'un lieu ou « non-lieu » que représente Ellis Island… Il raconte ces plus de 40 ans de fonction et de responsabilités sur cette île, à « accueillir »,organiser le « contrôle » de ces millions d'émigrants, aux histoires déchirantes, et remplies de courage, aux « portes de l'Espoir »…

Je ne reviens pas sur l'intrigue, largement décrite déjà. le procédé narratif nous prend de plein fouet. John Mitchell, dernier « gardien » et responsable de ce centre de transit écrit son journal, son vécu dans ce lieu si unique et « dérangeant » ; il fait le récit de sa vie solitaire dans ce cadre qui l'a mis au carrefour de millions d'existences sur lesquels il avait un certain pouvoir. Il s'est barricadé dans ses fonctions la majeure partie de ces décennies, où ayant perdu prématurément son épouse adorée, il va se réfugier dans sa « coquille » et l'obéissance stricte aux consignes qui lui sont transmises…


Poste étrange à la fois dans la Vie et hors du monde, dans une sorte de no-man's land…Deux histoires bouleversantes où John Mitchell outrepassera ses fonctions, dérogera aux ordres, pour aider un homme à recommencer une vie dans cette Amérique si convoitée…l'autre histoire est plus troublante et dramatique, concerne la rencontre d'une femme malmenée par l'existence…vers lequel il sera irrésistiblement attiré…Cette femme partie, elle continuera de le hanter, se sentant rempli de culpabilité et de honte, d'avoir involontairement abusé de circonstances de désarroi et de précarité….

Parmi les nombreux passages soulignés, je retiens celui-ci , qui signifie subtilement les déchirements, les douleurs , les résignations, renoncements inhumains des deux côtés : les immigrants qui subissent, et les « fonctionnaires » du bon côté de la barrière, qui obéissent… mais où un jour inévitablement, toutes les souffrances qu'ils ont entrevues ressurgissent et hantent leur conscience:
« Les immigrants, dans le chaudron d'Ellis, dans ces fonts baptismaux gigantesques, ressortaient sous forme de citoyens américains, libres et égaux, priés de travailler dur, de parler anglais et d'utiliser des dollars en lieu et place de lires, de zlotys ou de roubles. Il est pourtant illusoire de penser que les hommes et les femmes qui oeuvrent à la bonne marche de cette entreprise ne sont que des pièces anonymes et substituables, et qu'à trop vouloir oublier ce qui appartient en propre à chacun, c'est un peu de notre âme que nous laissons en chemin » (p.116)

Après l'émotion de cette lecture, j'ai « obtempéré » au conseil de l'auteure, donné au tout début du livre d'aller prolonger ce texte avec des photos, des musiques qui ont précédé, accompagné l'écriture de son livre. Gaëlle Josse nous donne ainsi la possibilité de les partager, sur cet espace numérique, et de nous immerger plus avant dans l'univers qu'elle a déjà su magnifiquement créer avec ses mots.

http://www.derniergardienellis.tumblr.com


Ce très beau texte m'a donné envie d'aller plus loin et d'acquérir les travaux réalisés par Georges Perec, sur ce lieu si particulier, et le sujet délicat de tous les déracinements humains , toujours dramatiquement « actuel »…

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