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Critique de Lali


Dès les premières lignes du Brodeur, le premier roman de Bianca Joubert, lauréate du Prix de la nouvelle de Radio-Canada en 2008, tout lecteur qui n'a jamais mis les pieds en Afrique se trouve dépaysé, voire même déstabilisé. C'est ce qui est arrivé à l'auteure, journaliste pigiste, qui a eu l'occasion de fouler le sol africain plus d'une fois, en commençant par le Burkina Faso où se déroule ce roman empreint de poésie, où la lumière domine, où les couleurs vous font cligner des yeux, où les images s'additionnent et créent une toile dans laquelle s'insèrent les différents personnages.

La narratrice, le temps d'un programme de coopération internationale, à l'instar de l'auteure, débarque au Burkina Faso. Nous ne savons pas exactement quel sera son rôle au cours de son séjour et nous ne le saurons pas non plus. L'histoire se passe ailleurs. En dehors des raisons pour lesquelles elle est là. Dans les liens qu'elle tisse malgré la barrière linguistique, malgré les différences culturelles et sociales, comme la polygamie. Parce que l'émerveillement est plus fort que ces écarts. Parce que la générosité est là, partout, probablement plus grande parce que le dénuement est grand.

Roman poétique et composé de deux parties sans chapitres, lesquelles sont divisées en sections portant des titres qui annoncent le contenu — « le temps n'existe pas », « Lire le ciel », « L'enregistreuse », « le baobab », « L'atelier de couture », etc. —, le brodeur est aussi l'histoire d'un homme. Un homme secret, taiseux, mais jamais avare de gestes ou de présence. Un homme dont la narratrice s'éprendra en mesurant l'immense fossé qui les sépare et en demeurant consciente que tout ce qui se passe en Afrique ne sort pas d'Afrique.

« le brodeur est une ombre fugitive qui m'auréole. Qui donne du relief à ce qui n'avait pas de contour. » C'est peut-être la raison pour laquelle il a tant d'importance et pourquoi tout s'articule autour de lui. Même ce que la narratrice vit avec les autres personnages, cette forme de « tribu » qui devient la sienne, même si elle est une étrangère. Or, elle ne juge pas, ne cherche pas à modifier les comportements. Elle n'est pas là pour ça. Peut-être même va-t-elle plutôt apprendre plutôt que transmettre son savoir.

Mais le séjour un jour prend fin, ce qui donne lieu à la deuxième partie, laquelle se déroule deux ans après le retour de la narratrice alors qu'elle accueille un ami du brodeur venu lui raconter ce qui est arrivé à celui-ci, comme il avait promis de le faire s'il lui arrivait quelque chose.

Ces pendant et après de l'aventure africaine donnent un très beau roman tissé à même l'addition d'épisodes. Un roman qui porte sur la vie, sur ce qu'elle a de beau, sur ce qui anime les uns et les autres et les lie. Un roman qui fait montre d'une grande maîtrise d'écriture et d'un talent pour créer des atmosphères. Un roman qui prolonge le voyage entamé avec L'invention de la tribu de Catherine-Lune Grayson.

Il est loin le temps où on reprochait aux écrivains québécois de camper l'action de leurs romans ailleurs qu'au Québec. Enfin, pas si loin. C'était en 1986. L'hiver de Mira Christophe de Pierre Nepveu se déroulait à Vancouver, Une histoire américaine de Jacques Godbout, en Californie. Les critiques avaient souligné la chose. Comme s'il était interdit à une jeune littérature de sortir du pays de ses racines.

Heureusement, nous n'en sommes plus là.
Lien : http://lalitoutsimplement.co..
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