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Critique de colka


Gens de Dublin, première oeuvre de James Joyce, publiée en 1914, après moult difficultés, vaut le détour.
Ces quinze nouvelles courtes sauf la dernière, offrent des tranches de vie saisissantes de l'Irlande, au début du XXe siècle. Et l'on peut applaudir des deux mains, le talent de Joyce à saisir sur le vif, les traits saillants d'un personnage, même si la galerie de portraits qu'il propose n'a rien de réjouissant !
Les hommes, dans cette peinture de la misère sociale qui sévit à cette époque, remportent la palme. Qu'ils soient scribouillards ployant sous le poids de tâches ingrates et mal rémunérées, gigolos à la recherche d'une bonne fortune ou tout simplement déclassés, ce sont tous des "loosers" qui ne trouvent de consolation que dans la "stout" ! Ce qui nous vaut quelques jolies scènes de bar, car Joyce excelle dans l'art de peindre en quelques phrases une ambiance, qu'il s'agisse d'un paysage, d'un lieu animé ou d'un simple arrêt sur image. Et la place des femmes dans ce recueil ? Elles sont très présentes et s'en tirent mieux que les hommes si je puis dire. Souvent victimes ou résignées, elles savent aussi se montrer des "matrones" intraitables lorsqu'il s'agit d'argent ou d'honneur.
Dans cette Irlande de début du XXe siècle, ce qui frappe, en effet, c'est le poids de la morale religieuse. Pas d'autre issue à une relation amoureuse, que le mariage ; pas d'autres remèdes aux souffrances ou dérives personnelles qu'une messe ou une retraite. le clergé tout puissant régente les consciences et étouffe toute velléité de révolte dans le carcan pernicieux de l'auto-censure.
Pas d'échappatoire dans cette société où pauvres et riches se côtoient sans se fréquenter. le seul espoir évoqué dans quelques nouvelles : celui de l'exil. Seule façon d'échapper à la médiocrité de sa condition et à une mort psychique lente et certaine.
L"ombre de la mort, d'ailleurs, plane sur tout le recueil. Pas la mort physique mais la mort à soi-même, résultante du poids des frustrations, du décalage entre les espoirs de jeunesse et la routine usante de la vie de couple par exemple, comme avec ce très beau portrait du "petit Chandler" dans la nouvelle Un petit nuage. Ce sentiment de passer à côté de sa vie, on le retrouve dans la superbe dernière nouvelle : Les Morts où Joyce nous permet de suivre à travers les "flux de conscience" du personnage principal, Gabriel, son cheminement vers un vide existentiel abyssal !
Je crois que ce que j'ai le plus apprécié dans ce recueil est le traitement des personnages. Qu'il s'agisse de caricatures à la Daumier ou de "gros plans" mettant plus en valeur la complexité d'un parcours individuel, avec bien souvent un drame personnel à la clé, ces hommes et ces femmes ont été très présents tout au long de ma lecture et resurgiront probablement de ma mémoire au gré des circonstances...
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