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Critique de Ladybirdy


Magnifique et brillant hommage que rend ici Charles Juliet à ses deux mères.
« l'esseulée et la vaillante
l'étouffée et la valeureuse
la jetée-dans-la-fosse et la toute-
donnée. »
Sa mère biologique, femme esseulée, étouffée dans un profond désespoir existentiel s'est donnée la mort à l'asile psychiatrique, durant la seconde guerre mondiale. Charles Juliet s'attelle à un sensible portrait de femme. Une femme qui a tout donné à sa famille, s'est sacrifiée tout entière, errant dans un puits sans fond, elle qui était si douée pour l'école, sa famille de fermiers modestes ne juge pas l'intérêt de scolariser leurs enfants. Elle en gardera une profonde frustration. Tout autant que l'amour qui ne se dit et ne se montre pas d'où elle vient. Femme mélancolique, fantôme de la mort, elle ne parviendra jamais à s'extirper du malheur pour rejoindre la vie.
Quand cette première s'éteint, le père confie Charles à une autre femme qui deviendra pour Charles un « chef d'oeuvre d'humanité ».
Cette femme adoptante deviendra sa mère, lui qui sera comme né sous x. Elle l'élèvera comme son propre fils lui prodiguant sécurité, amour et éducation.
Charles devenu grand homme reconnaîtra combien cette deuxième mère lui aura sauvé sa vie.
Il écrit Lambeaux avec l'idée de tirer ces deux mères de la tombe, de leur donner la parole de ce qu'elles ont toujours tu. Il mesure la chance que cette deuxième mère lui a offerte, face à ces éclopés de l'absence.

« Lorsqu'elles se lèvent en toi, que tu leur parles, tu vois s'avancer à leur suite la cohorte des bâillonnés, des mutiques, des exilés des mots
ceux et celles qui ne se sont jamais remis de leur enfance
ceux et celles qui s'acharnent à se punir de n'avoir jamais été aimés
ceux et celles qui crèvent de se maipriser et se haïr
ceux et celles qui n'ont jamais pu parler parce qu'ils n'ont jamais été écoutés
ceux et celles qui ont été gravement humiliés et portent au flanc une plaie ouverte
ceux et celles qui étouffent de ces mots rentrés pourrissant dans leur gorge
ceux et celles qui n'ont jamais pu surmonter une fondamentale détresse »

Charles Juliet gagnera la vie dans les entrailles de son enfance heureuse. Nouant une farouche admiration pour les sympathiques professeurs, il rencontrera un professeur de français qu'il juge bon à admirer, faisant de lui un élève assidu au cours de français. La littérature et l'art seront ses béquilles, ses yeux, son énergie.

Lambeaux est un récit poignant, écrit d'une main de maître, par un homme qui a compris qu'il existait une frontière entre l'ombre et la lumière. Un homme qui a rencontré la résilience pour renaître du vide. Magistral et beau tout simplement.
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