Assez pleuré
sur l'enfance triste
Racines extirpées
amarres rompues
je suis le départ
et le voyage
Insoumise
Je suis mon combat
l'instant
et mon regard
au-delà de l'horizon
Anne Laure Cartier, Eaux médiatrices
Unisson des voix
Invoquant les noms anciens
au passage des cols,
faiblissant avec les courbes
qui limitent la vue
Algues et neige mêlées,
le parcours peu à peu solitaire
Silhouette que disperse
le sable épuré de lumière
à la croisée d'ogives
Alain LAMBERT
Nous n'en aurons jamais fini
Avec ce monde en nous sans cesse à vivre
Et à quitter, avec l'âpre saison venue
Des fruits déjà promis à la bouche insatiable,
Avec les sentiers nus, le temps qui fait silence
Et cet espoir qui colle à notre nuit,
Avec ce peu, ce rien, ce coeur qui bat
Toujours, cet amour qui persiste
Au nom de ce qui meurt de l'amour même
Sur la terre de tous les jours,
Avec la vie enfin, que chaque instant
De mort attise davantage,
Et sur nos lèvres s'attardant, cette lueur
Qui tremble encore et cherche à dire
A l'orée du silence
La première syllabe peut-être
D'un silence plus grand.
Pierre GABRIEL
J'ai perdu le goût des lointains voyages,
ne m'enivre plus l'odeur
qui serpente dans les aérogares
et cette fragile lenteur des passagers
en proie à leur demi-peur,
perdu toute attirance
pour les grandes amours de chair,
me contentant de qui je contente
et si j'aime encore
c'est le pays dont les frontières
s'enroulent en moi en pelote,
si j'aime encore
c'est ma terre que j'escorte.
Gérard Le Gouic, Les Bateaux en bouteille
Gravir les pentes du sang
mettre la main en visière
attendre
images à hauteur de mémoire
les hordes sauvages
porteuses de menaces
au bout de la ligne d'horizon
Le coeur géographe nous enseigne
qu'à l'Est toujours
surgit le feu des forces démentes
qui bouleversent le bonheur des prairies
Il est un arbre
qui résiste à tous les vents
c'est l'arbre d'enfance
Ses racines creusent
la terre des ancêtres
Au bord du vert
ses branches retiennent
dans son feuillage
le chuchotement de l'invisible.
Joseph Paul Schneider
Horizon mobile du temps
Cette nuit, j'irai prendre le feu caché au ventre de chaque objet. J'inventerai une dernière prière. Je poserai ce journal sur un banc et m'en irai lire une histoire de barque en eau sur un fleuve de bois.
Patrick Dubost, Celle qu'on imagine
SOUVENANCE
Maisons de mon enfance
j'aimais vos nappes blanches
et cette odeur de pain
qui se mêlait ai bois.
Un soleil familier
saluait les persiennes.
Une table attendait
la venue de grand-père.
Une lampe disait
le soir ensommeillé
où cogne sourdement
le vieux parler des choses.
Alain Lemoigne, Journées au seuil