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Critique de le_chartreux


C'est un album dans toutes les nuances de gris ; mais d'un gris effroyable…
Feldgrau, gris taupe, gris anthracite, gris fer, vert-de-gris, gris poussière et puis gris cendres.
C'est aussi un album hors du commun qui montre la Bataille de Berlin vue par les femmes.
L'histoire se situe à l'aube de la Libération entre avril et mai 1945 ; Berlin, comme d'autres grandes villes allemandes telles Dresde, Hanovre ou Hambourg, vient d'être anéantie sous les bombes américaines et britanniques. Les ruines encore fumantes sont réduites à l'état de poussière sous les obus et les chenilles des chars russes ; l'Armée Rouge pille se qui reste encore debout tandis que ses soldats couchent sauvagement et violent les berlinoises sans limite d'âge.
Ingrid, 28 ans, est allemande et travaille pour la Croix-Rouge.
Evgeniya Levinsky, 19 ans, est russe et fait partie des troupes d'élite du N.K.V.D., une sorte de Commissariat du Peuple aux Affaires Intérieures, l'équivalent de la Gestapo.
Les routes vont se croiser et ces deux femmes que tout oppose vont trouver pendant quelques jours un terrain d'entente.

A Berlin, en ce printemps 45, le quotidien est devenu très difficile pour les enfants, les filles, les femmes et les vieillards qui subissent l'effondrement total de leur pays devenu fou sous l'emprise du parti national-socialisme. Comme figuré dans le film de Roberto Rossellini : ALLEMAGNE ANNÉE ZÉRO, de nombreuses régions sont devenues des champs de ruines et les villes ne sont plus que carcasses d'immeubles calcinés où se terre une population affamée et hébétée perpétuellement à la recherche de sa nourriture quotidienne ; les bébés mal-nourris meurent de faim. Les malades affaiblis meurent de faim.
Les troupes d'élite du N.K.V.D. étaient entrainées pour effectuer les missions les plus dangereuses comme les infiltrations ou les parachutages derrière les lignes ennemies. D'autres unités étaient à l'origine des forces spéciales soviétiques chargées des camps de prisonniers de guerre et des exécutions. Cette police militaire influente et redoutable - capable de tirer sur ses propres soldats refluant des assauts ou se prêts à se rendre à l'ennemi - tenait son formidable pouvoir du haut commandement et rendait compte directement à Staline. La mission de l'unité berlinoise dans laquelle était affectée la camarade Levinsky était de localiser la dépouille d'Adolf Hitler
Le comportement des soldats soviétiques était certainement ambivalent ; ils n'avaient pas la moindre pitié pour les femmes qui tombaient entre leurs mains – la guerre est une affaire d'homme, le viol est une arme de guerre – mais ils prenaient soin des malades et des blessés. Les actes de viol, d'agression ou d'esclavage sexuel perpétrés par l'Armée Rouge étaient très fréquents même si le haut commandement dénonçait la pratique et condamnait à la déportation ou à la peine de mort les coupables. A peine les rues sécurisées, les soldats se précipitèrent dans les caves et se livrèrent au pillage. Ils emmenèrent des femmes et des jeunes filles : Humiliation, affaiblissement, assujettissement et destruction ; viols multiples et collectifs fréquemment commis en public et le plus souvent accompagnés de brutalités et de coups. Dans certaines maisons on se livrait un monstrueux trafic de femmes même s'il arrivait que des soldats russes pris en flagrant délit de viol fussent abattus d'un coup de pistolet par leur officier.

Ingrid tient un journal intime XXXXX. Elle raconte XXXX son quotidien XX. Elle aligne chaque jour XXX des croix XXXXXXX qui attestent de toutes les fois où elle subit XXXXX l'innommable XXXXXX… Tous les jours XXXXX il y a des croix parce que XXX tous les jours XXXX il y a eu viol.
Son journal signera aussi sa perte car certains soldats allemands de retour des camps de prisonniers ne pardonnèrent pas à leurs femmes cette ultime infamie.
Désastre.
La Seconde Guerre mondiale fut probablement le conflit militaire le plus meurtrier de l'histoire. Entre 60 et 85 millions de personnes furent tuées, ce qui représentait plus de 2,5 % de la population mondiale de l'époque.
Les femmes et les plus fragiles payèrent un lourd tribut.
Les conséquences et les traces indélébiles des exactions subies par les femmes ne partirent pas à la machine. Lavage après lavage le tissus se déchira davantage jusqu'à partir en lambeaux. Jamais il ne reprendra pas sa couleur d'origine.
Le gris des hommes.
La solitude des femmes.
Un album d'une force effroyable. Un dessin dur et expressif que j'aurai aimé plus soigné, moins anguleux, mais il rapporte la dureté de cette tragédie.
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