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Critique de Ellane92


Dialectique du moi et de l'inconscient est une oeuvre pivot de la psychologie analytique. Carl Gustav Jung y décrit les mouvements à première vue désordonnés et chaotiques des différents éléments de la psyché qu'il a découverts et développés au cours de sa carrière, pour les rendre signifiant dans le cadre de la dynamique du processus d'individuation.

La première partie de l'ouvrage pose les fondements des forces en présence : Jung définit ce qu'est le Moi, l'inconscient individuel et l'inconscient collectif (qui est l'une de ses découvertes majeures), et expose l'originalité de sa théorie en la positionnant par rapport aux théories psychanalytiques de l'époque (notamment celles de Freud et d'Adler). Il décrit un Moi inscrit dans une dynamique impossible à tenir, tiraillé entre les exigences du monde extérieur et pour lequel il se cache derrière la Persona (c'est la personnalité sociale, archétype issu de l'inconscient collectif et personnel et soumise au type de société dans lequel on vit, à ce qu'elle valorise, à la liberté et la responsabilisation qu'elle propose aux individus), et les exigences du « monde intérieur », de l'inconscient, présenté dans l'ouvrage comme étant l'Anima (ou l'Animus pour les femmes). Il explique très clairement pourquoi plus les éléments de l'inconscient les plus niés et ignorés par l'individu sont ceux qui ont le plus de puissance sur le Moi, et donc dans la vie de tous les jours. Jung pose comme fondements de la libération du Moi sa confrontation avec ces archétypes, en expliquant les enjeux de ce qu'il appelle la libération de l'individualité ou processus d'individuation, sujet principal de la seconde partie de l'ouvrage.

L'individuation consiste à déplacer le centre du Moi de façon à y incorporer des éléments de l'inconscient, c'est-à-dire à tendre vers l'archétype du Soi. de façon pragmatique, il s'agit de transformer les complexes autonomes (les archétypes de l'Anima et celui de la personnalité mana) en fonctions support (c'est-à-dire en force dans laquelle le Moi peut puiser), en reconnaissant leur existence, puis en se confrontant à eux, et enfin, en les assimilant. C'est la description de cette dialectique qui a donné son nom à l'ouvrage.

Le chemin de l'individuation est long et semé d'embuches. Jung explique pas à pas les différents risques liés à l'exploration et la mise au grand jour des ressources de l'inconscient.
L'individuation est réservée à quelques uns, poussés par une nécessité intérieure à explorer toujours plus en avant ce qu'ils sont. Il est d'ailleurs difficile d'ignorer les appels de l'inconscient : ce dernier se rappelle à notre bon souvenir au travers de tocs, d'obsessions, d'angoisses, bref, de symptômes généralement associés aux névroses, qui sont finalement, et avant tout, des invitations directes de notre inconscient à entamer le dialogue.
Ceux pour qui l'individuation n'est pas une nécessité sont également invités à prendre conscience de leurs courants intérieurs contraires, en vue de ne plus se faire balloter au gré des pulsions inconscientes et ce, quelle que soit l'étape à laquelle ils se trouvent ou choisissent de s'arrêter. Finalement, Jung nous invite à devenir responsable de notre vie en prenant conscience de nos actes, et à interagir de façon vraie avec les autres, notamment en arrêtant de projeter sur tout un chacun les fantasmes issus de nos archétypes.

Ce que j'aime particulièrement chez Jung, c'est ce message qui nous exhorte à être acteur et responsable de sa vie, à être autonome et vrai dans sa relation avec l'autre. Nul besoin de 20 ans de psychanalyse (même si une « petite tranche » peut aider), la prise de conscience de ce qui est caché et la prise en considération de ce dont il s'agit permet d'avoir une meilleure connaissance et une meilleure maitrise de ses actes. C'est un message plein d'espoir, qui invite chacun à se repositionner non seulement par rapport à ce qu'il est ou par rapport à l'autre, mais également par rapport à sa place dans la société, au regard qu'il porte sur le monde.

Cet ouvrage est riche et complexe : on y apprend ou comprend toujours de nouvelles choses, même lors d'une seconde ou d'une troisième lecture. le développement proposé par Jung est ardu : il n'a pas une approche directe des messages qu'il passe, des développements qu'il fait, des concepts qu'il aborde. Il a plus tendance à aborder différents sujets, et à laisser le lecteur faire ses propres rapprochements.
Il ne s'agit pas d'une introduction à la théorie Jungienne : comme l'ont dit Saule et Eric Eliès, cet ouvrage est à déconseiller à ceux qui ne connaissent pas les principaux fondements et éléments de la « psychologie des profondeurs ». En effet, Jung fait appel aussi bien aux différents archétypes qu'à la notion de complexes autonomes, aux symboles de l'âme, à la typologie des individus, etc… qui ont fait l'objet d'ouvrages dédiés.

Si j'avais un reproche à faire à ce livre, ce serait peut-être sa légèreté vis-à-vis des processus liés à l'Animus (thématique souvent reléguée à un « identique que pour l'Anima »), et l'absence quasi-totale de référence à un archétype qui me semble pourtant bien nécessaire à l'approche de l'individuation : l'Ombre.
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