J'ai écouté
la Métamorphose (1912) sur un podcast gratuit de
Radio-France (2022)*. La lecture de Micha Lescot est captivante. On imagine facilement la gestuelle de la bestiole et celle de son impitoyable famille. Bien que la narration soit à la troisième personne, c'est bien toujours Gregor Samsa qu'on entend jusqu'à sa mort. La voix posée du comédien et la limpidité du texte donnent à percevoir ou ressentir ce que Gregor lui-même perçoit et ressent. J'ai souri car tous les personnages sont grotesques, très bêtes et certaines situations bien cocasses. J'ai éprouvé bien sûr du dégoût, de l'horreur et puis de la pitié. La fin est d'une rare cruauté. J'ai adoré et j'ai pleuré.
Le texte suivant contient des spoilers.
Un matin, Gregor Samsa se réveille transformé en une bestiole immonde. Il est muni d'une carapace et d'une « multitude de pattes » qu'il s'amuse maladroitement à faire fonctionner. Il s'inquiète surtout de son retard potentiel au travail. Rien n'a changé dans sa chambre banale de voyageur de commerce où il ne demeure que rarement car il est toujours sur les routes. Il lui faut travailler comme une bête pour compenser la faillite paternelle intervenue quelques années plus tôt. Ses parents et sa jeune soeur adorée, Grete, vivent à ses crochets, tels des parasites. Gregor a d'abord éprouvé de la fierté à remplacer le père, mais il s'est épuisé : Au diable tout ça ! pense-t-il sans réaliser encore ce qu'il dit et ce qu'il est devenu. La voix posée du comédien fait entendre les réactions surprenantes et très naïves de Grégor Samsa. Son calme est étonnant devant ce qui lui arrive et prête à sourire. Il est un peu bêta, Samsa. Il pense surtout qu'il va être en retard. Et que s'il se fait porter pâle, le médecin inspecteur assurera qu'il est en parfaite santé ! Tout cela est grotesque et satirique. On se croirait dans Gogol.
Et puis le tragique arrive lorsque Gregor apparaît devant ses parents et qu'il se rend compte de l'horreur et du dégoût qu'il leur inspire. Les événements se précipitent. La mère s'évanouit, le père le chasse dans sa chambre à coups de canne. Les trois portes de sa chambre seront désormais fermées du dehors par la famille. A partir de là on assiste à la métamorphose de ses proches en grosses bêtes féroces. le père qui jusque là passait son temps avachi sur un fauteuil se redresse et apparaît gigantesque. Il est au sommet de sa vie dans son uniforme rutilant d'employé de banque. Bientôt il bombardera son fils avec des pommes. La mère qui avait pitié laisse faire. Pour elle l'important est de ne pas voir son fils et de sauver les apparences. La bonté infinie de Gregor contraste avec son horrible corps et l'empêche de se révolter. Il s'adapte et se résigne en proie à un terrible sentiment de culpabilité.
Mais sa tendre soeur adorée, jusque là compatissante et sensible comme une artiste se dévoile brutalement dans toute sa cruauté . Elle joue alors du violon devant les trois locataires qui ont l'air de s'ennuyer. Gregor a réussi à parvenir jusque là malgré ses blessures pour l'entendre. Soudain l'un des locataires voit Gregor. Horreur. Dégouté par le manque d'hygiène de la maison, il s'en va en claquant la porte, suivi par les deux autres locataires, sans débourser un centime. La soeur démasquée donne à Gregor le coup de grâce : « devant ce monstre, je n'ai pas l'intention de prononcer le nom de mon frère, c'est pourquoi je dirai simplement ceci : nous devons nous en débarrasser ». Gregor accepte la mort comme une délivrance. Et sa famille est satisfaite.
*Le podcast :
https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/samedi-fiction/
la-metamorphose-de-franz-kafka-3356289
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