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Critique de dvall


Il est triste ou peut-être rassurant de savoir que jamais le père à qui était destiné cette lettre n'a posé le regard dessus. Ce père s'appelait Hermann et la lettre est signée Franz. Dans ce texte poignant, Kafka l'écrivain dresse un réquisitoire désespéré contre celui principalement qui a fait son éducation et façonné inconsciemment l'être minime qu'il est devenu. Cette lettre naît d'une interrogation du père s'étonnant un jour que son fils prétende le craindre. Les mots alignés d'une traite sur le papier, mais jamais partagés, sont les sédiments longtemps contenus par l'embâcle de la pudeur, de la peur ou de la honte. La matière visqueuse mais vivante d'une débâcle filiale et paternelle enfin libérée du silence qui l'a si longtemps emprisonnée.

L'auteur cherche-t-il à comprendre ou à expliquer, à accuser ou à pardonner ? A la manière d'un cheval de trait obstiné, le fils trace un sillon bien droit dans l'épais matériau du passé, livre à la lumière les souvenirs enfouis, « mêle admiration et répulsion, peur et amour, respect et mépris ». Au travers d'événements marquants ou de détails du quotidien que seul un regard d'enfant peut cristalliser à ce point et affliger d'un poids incommensurable, Kafka déroule les griefs et reproches, argumente sur les sentiments qui l'ont habité durant toute son enfance et sa vie d'homme. Il brosse le portrait d'un père autoritaire, tyran qui s'ignore, tout à la fois remarquable et détestable, animé par une force vive et un penchant dévorateur dont les enfants furent les premières victimes. Kafka s'est senti consommé par cet ogre, écrasé par sa grandeur, humilié par son hypocrisie. Par ce texte, il livre nus et vibrants ses états d'âme. On dirait un cri dans la nuit intérieure, et parfois le réquisitoire brille comme un plaidoyer. C'est la douleur et le regret d'un fils jamais parvenu à rencontrer vraiment le père sur le chemin que celui-ci avait tracé. C'est aussi une clef pour comprendre l'homme derrière l'oeuvre.
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