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Critique de Bookycooky


"Lui, Ferdinand Goldberger avait dénoncé les gens de son propre village...", menacé de mort par la population il est contraint à disparaître à l'aide du Gauleiter . Nous sommes au début des années 40, Goldberger est chef de section du parti nazi , forcé à quitter l'Innviertel sa terre natale et son immense domaine, il n'a pas d'autre choix que de partir dans une autre région de la Haute Autriche qu'on lui a assigné , au pays de sa femme défunte. Sa fille Martha de 21 ans l'accompagne. Ferdinand aimerait tirer un trait sur son passé, pouvoir être « personne » en un lieu quelconque, ne plus “ devoir remplir ses devoirs envers la patrie “ , mais il en est cerné de tout part. Une histoire terrible sur la destinée tragique sur quatre générations d'une famille de fermiers en Haute-Autriche , " Moi, l'Eternel, ton Dieu, je suis un Dieux jaloux. Je punis la faute des pères sur les enfants jusqu'à la troisième et la quatrième génération." Un châtiment qui frappera en premier sa fille, puis........moins vous en saurez de la suite, mieux vous vous en délecterez.

A travers l'histoire de la famille Goldberger l'écrivain miroite celle très sombre de son propre pays qui prit une part active aux crimes d'Hitler. Ici le silence des personnages, un des principaux thèmes du livre souligne la difficulté voir l'impossibilité de parler de l'indicible, qu'on aurait mieux fait d'exorciser; et là, je ne peux m'empêcher d'avoir une pensée pour Bernhard et Jelinek. Un silence qui pousse les personnages à n'extérioriser leurs sentiments qu'occasionnellement et encore, corporellement ou par divers sons humains, cris , gémissements, sanglots..., rarement de gestes d'affection, leur capacité verbale étant bloquée par la culpabilité ou la souffrance. Mühlecker exprime d'une subtilité inouïe l'intériorisation des sentiments et l'héritage caché d'un passé criminel dont Goldberger continuera à en tirer profit malgré ses remords, notamment dans l'acquisition d'une carrière, mais dont son fils et ses petit-fils en feront les frais, échouant tour à tour intérieurement dans un no man's land. L'unique espoir de rédemption ici est symbolisé par des fleurs : les lilas, fleurs omniprésentes dans l'histoire , notamment celles rouges du titre (en faites violet foncé que seul Martha nomme rouges, et un des petit fils plus tard ) ; des fleurs que la famille chérit, qui défraîchissent mais dont leur refleurissement à chaque saison entraînent l'espoir d'une accalmie. Pourtant l'auteur est loin d'être un pessimiste, il nous fait entrevoir de multiples sources de bonheur fugaces, liées à peu de choses qui semblent simples mais pourtant complexes, ces petites choses qui font le suc de la Vie !

L'auteur Reinhard Kaiser-Mühlecker est l'étoile montante de la littérature autrichienne contemporaine. A côté de Bernhard, Jelinek, Handke ou Michael Kohlmaier il reste de facture classique dans le fond et la forme, dont une prose traditionnelle superbe d'un style naturel, fluide , d'où émane toute la force de ce récit ( et bravo à la traduction, car de l'allemand nullement évident ). Né en 1982 dans une région de forêts et montagnes de la Haute-Autriche, fils de fermier lui-même, alors qu'il n'avait pas encore trente ans, il décide d'écrire cette histoire qui exorcise celle de sa famille , "J'ai cherché à en savoir plus sur ma famille, mais partout je me suis heurté à des murs, à des réponses laconiques et énigmatiques. Alors, j'ai décidé d'inventer l'histoire. On porte toujours un savoir à l'intérieur de soi, dont on n'a pas connaissance. Ecrire, c'est libérer ce savoir. "
Une épopée romanesque dense de 700 pages , simple dans sa lecture, complexe dans son entité, sur fond de somptueuses descriptions de paysages et d'une psychologie fouillée des personnages. Moi qui n'aime pas les pavés ici j'en ai fait une exception qui m'a value la découverte d'un excellent auteur encore jeune mais dont l'oeuvre ici présente, le classe déjà parmi les plus grands auteurs autrichiens contemporains. Un grand roman que je conseille absolument !

«  Ne me questionne pas, ainsi je n'aurais pas à te mentir. »
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