Citations sur La cigale du huitième jour (28)
Le soleil déclinait lentement, couvrant d'un manteau doré le vert des rizières. Les cigales faisaient entendre les diverses strophes de leurs chants, comme un bruit de pluie.
Pour échapper à l'atmosphère lourde de cette maison pleine de tabous, semblable à un champ de mines, aux souvenirs amers, au silence de mon père et à l'instabilité de ma mère, la seule solution était que je m'extraie de moi-même de cet endroit.
Il y avait des vêtements de créateurs à toutes les pages, et j'ai trouvé cela étrange. Deux ans auparavant, je lisais ce genre de magazine avec attention, notant les prix, réfléchissant aux façons de coordonner mes vêtements et j'attendais mon salaire avec impatience. J'étais quelqu'un d'autre.
Maintenant tout cet étalage de mode me faisait le même effet que les chansons de Cindy Lauper diffusées à fond dans le salon de coiffure, ce n'était rien d'autre qu'une pollution.
J'allais vivre dans cet endroit avec Kaoru. C'était ici que j'allais me libérer du souvenir de cet homme, de sa femme qui m'avait tant injuriée. Mon nom, mon passé, ma carrière, les souvenirs du temps où je me croyais heureuse, les souvenirs des gens que j'avais tant haïs, ici, un jour, je serais capable de m'en libérer, simplement, comme j'avais pu me défaire de mon argent. Ainsi, allais-je peut-être pouvoir me délester du poids de mes actes.
A partir d’aujourd’hui, je vais tout te donner. Tout ce que te t'ai volé, je vais te le rendre. La mer et la montagne, les fleurs au printemps et la neige en hiver. Les éléphants gigantesques et le chien qui attend son maître indéfiniment. Les contes qui finissent mal et la musique si belle qui nous arrache des soupirs.
Son visage exprimait le trouble de quelqu'un qui, pensant caresser le poil doux d'un petit animal, sentait sur ses mains un contact rêche et désagréable.
Sans les odeurs, comme quand on éteint la lumière, les couleurs de la ville ont changé brusquement. Je crois que je n'ai pas pleuré. J'avais peur, et la peur m'empêchait de pleurer. Les gens et les paysages, mais aussi les odeurs et les couleurs, tout avait disparu de ma vie.
Les gens qu’on voit tous les jours, ils ont l’air d’être là sans vraiment y être, tu ne crois pas ? Je rencontre toujours les mêmes gens à la fac mais je ne vois pas la différence avec ceux que je vois dans le métro. C’est rare de rencontrer quelqu’un, de lui parler, de rire ensemble, de lui poser des questions… Pour moi, c’est comme ça depuis toujours. Donc quand je vois Kishida chaque semaine, Kishida c’est l’homme taciturne dont on parlait tout à l’heure, je me sens rassurée. Ça me confirme que chaque semaine je suis la même.
Des fleurs d’équinoxe poussaient le long des sentiers entre les rizières. Ces fleurs, d’un rouge saisissant, m’ont semblé, étrangement, annoncer un mauvais présage et cela m’a troublée. L’année précédente, j’avais seulement été surprise par leur couleur rouge.
- Comme c’est beau, les fleurs rouges ! a dit Kaoru, et cela m’a un peu apaisée.
Le chant des cigales retentissait : kana-kana-kana. Mais il me semblait éteint.
Dehors, tout était coloré et scintillant, je me suis demandé si ce n'était pas la fin du monde. Je ne pouvais pas comprendre qu'il s'agissait des flashes des appareils photo. La personne qui me portait a plaqué mon visage sur sa poitrine. J'avais du mal à respirer et lorsque j'ai tourné la tête sur le côté, une immense foule d'inconnus me visait avec des objectifs. Un frisson m'a parcourue, j'avais la chair de poule. Je me retenais de toutes mes forces pour ne pas hurler.