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Critique de Isidoreinthedark


Un livre dont le titre est une (excellente) chanson de Bob Dylan accrochera forcément les fans du vieux barde prix Nobel de littérature... Largement autobiographique, le roman de Peter Kaldheim nous narre sa traversée sans le sou et au petit bonheur la chance des Etats-Unis. 8 000 km et vingt États sont ainsi parcourus par le narrateur, qui a pris la tangente et quitté New York pour rejoindre la côte ouest dans une forme de remake assumé et un peu bringuebalant du chef d'oeuvre de Kerouac, Sur la route. Notre anti-héros pourtant diplômé d'une prestigieuse université a peu à peu sombré, perdu son boulot, son domicile, sa copine, dans cet ordre ou dans un autre, pour finir dealer de coke New-yorkais complètement accro à sa propre marchandise. En pleine tempête de l'hiver 1987, Peter n'a d'autre choix que de prendre la route après avoir dilapidé les recettes du stock de cocaïne acheté à crédit auprès d'un vrai dur, une forme d'acte manqué qui le conduit à une rupture aussi radicale que salvatrice.

Débute alors une longue errance en stop et parfois en train de marchandise, transport très prisé par Kerouac et ses compagnons dans les années cinquante ; Peter va à la fois toucher le fond de la misère et trouver une forme de rédemption, à l'instar des clochards célestes dont il suit la trace avec trois décennies de retard. le narrateur découvre les bas fonds de l'Amérique, une vie d'errance aux lendemains incertains, où la survie dépend des repas, habits et couchages offerts par diverses associations d'assistance aux plus démunis. Errant dans un univers de va-nus pieds aussi paumés qu'attachants, il lutte contre les intempéries, la faim, les ampoules aux pieds, les flics en maraude, la perte de ses papiers d'identité, le manque de tout sans jamais se départir d'une étonnante confiance dans son avenir, dans cette idée qu'il existe une lumière au fond du tunnel. C'est cette route chaotique qu'Idiot Wind nous invite à suivre, une route souvent aussi traître que le vent idiot qui souffle dans la chanson, une route peuplée des anges vagabonds qui hantent les ballades hallucinées de l'icône des sixties, de tous ceux qui ont lâché la rampe et continuent à survire, à sourire aussi... Cette route qui traverse les États Unis d'Est en Ouest est évidemment celle de Jack Kerouac dont l'ombre tutélaire plane comme un aigle des rocheuses sur les déambulations chaotiques de Peter.

Idiot Wind est un livre un peu bancal, s'y mêlent des longueurs, une impression de déjà-vu, des instants lumineux, des moments de poésie pure. La pauvreté extrême de Peter et de ses compagnons d'infortune dynamite l'hypocrisie de nos conventions sociales et révèle une humanité que l'on croyait disparue. Au delà de l'hommage rendu à ses héros voyageurs qu'ils soient écrivains beat ou poètes folk, le véritable fil rouge du roman est l'incroyable résilience du héros, sa capacité à ne jamais céder au découragement, à toujours faire face avec une dignité et un humour improbables aux innombrables embûches semées sur son chemin. Cette absence absolue de pathos fait l'originalité du livre et est au fond la plus belle manière de rendre hommage aux laissés pour compte d'une certaine Amérique.
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