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Critique de Moumoute25


Dominique Kalifa, universitaire, spécialiste de l'histoire du crime ,de la marginalité et des bas-fonds, décédé à l'automne dernier nous offre ici un excellent travail d'étude sur l'une des institutions les plus violentes, controversées et opaques du second Empire jusqu'à la 4e République:Biribi.
Biribi malgré ses consonances exotiques n'est pas le nom d'un lieu perdu au fin fond des chères colonies de nos aïeux comme beaucoup aimerait à le penser c'est de manière plus générique un terme utilisé classiquement pour décrire l'ensemble des composantes du système disciplinaire, pénitentiaire de l'armée française de cette époque.
Une époque où l'autorité la discipline la violence régnaient sans demi mesure au sein des régiments et corps militaires français, où la grande armée combattante ne tolérait la moindre disgression,la moindre déviance,la moindre forme de désobéissance chez ceux qui la servaient.
Biribi c'était l'armée française mais l'armée française dans ce qu'elle avait alors de plus rude mais aussi de plus méprisable,dans son aspect le plus correctif et vil .Un réseau de structures agglomérées régulièrement réformées,un enchevêtrement de compagnies, bataillons, prisons, pénitentiers et ateliers de travaux publics installés majoritairement en Afrique du Nord appelés à recevoir les incorrigibles les plus indisciplines des soldats français, ceux que l'arsenal classique des punitions militaires et civils ne parvenait pas à remettre dans le droit chemin.
On envoyait ces anormaux, ces fortes têtes,ces rebels à l'autorité au fin fond des déserts africains et des colonies fraîchement annexées pour les mater,pour qu'ils expient leur fautes à coups de nerfs de boeuf et de cassage de cailloux mais également pour les isoler du reste de la société et éviter de contaminer les autres soldats.
Le degré le plus effroyable de la répression militaire, un régime disciplinaire de repentance ultra violent chargé de marquer les corps les esprits au sein duquel on ne se laissait aller à la moindre complaisance,à l'apitoiement ou à la demi-mesure,ceux qui avaient faute devaient subir la double peine et souffrir.
Biribi c'était une géhenne, l'antichambre de l'enfer,pour des centaines de milliers de gaillards victimes longtemps dans l'indifférence quasi générale des pires privations, violences et brimades.
Un univers de répression rude, inhumain et expiatoire au possible dont on ne ressortait indemnes, marqués à jamais dans sa chair et son âme.
Il faudra attendre la fin du 19e siècle dans le sillage notamment de la célèbre affaire Dreyfus ,une époque dominées par des courants tels que l'anarchisme et l'antimilitarisme et par l'émergence d'une génération de reporters et agitateurs (Darien,Londres,Dhur...)pour que soit mise à jour peu à peu aux yeux de l'opinion publique la réalité d'un système cruel et trop facilement arbitraire petit à petit réformé et démantelé.
Ce livre écrit en 2009 n'a évidemment plus cette vocation, c'est néanmoins un superbe travail de recherche, de remise en lumière d'une réalité difficile à restituer.
Avec soin, impartialité Dominique Kalifa depeind ici l'histoire sombre et oubliée de ce régime disciplinaire d'exception,des hommes soumis qui s'y perdirent,son organisation,ses règles,sa réalité la plus suffocante et implacable.
On dit généralement que ces hommes là quand ils rechappaient à Biribi se muraient dans un mutisme et un oubli amer et insondable.
Le travail de dépoussiérage de lexcellent Kalifa n'en apparaît que plus util et indispensable.Avec sa rigueur d'universitaire il ressort des oubliettes et des consciences du siècle dernier tout un pan de l'histoire de notre armée,une institution propre à une époque, l'époque où la plus grande des France prennait un soin tout particulier à faire vivre un régime brutal d'épuration et d'exclusion de ses éléments les plus malsains.
Le devoir de conscience,de mémoire restera toujours exhaustif mais il s'imposait vraiment ici, n'oublions pas Biribi n'oublions pas Dominique Kalifa son travail parlera encore longtemps pour lui.
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