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Critique de kielosa


En 2009, à 30 ans, Sarah Kaminsky se posait la question : mais qui est mon "papa" ? Un agent secret, un résistant, un héros, un traître, un faussaire, un hors-la-loi, un moudjahid (combattant d'indépendance) ?

Le parcours de son père, Adolfo, né en Argentine en 1925 de parents juifs russes et émigrés en France en 1932, n'est pas ce qu'on pourrait qualifier de simple ou limpide.
De son propre aveu, à Sarah il aura "fallu deux ans d'enquête et une vingtaine d'interviews pour faire la connaissance du sieur Adolfo Kaminsky..."

À la bibliothèque virtuelle de Babelio j'ai ajouté 2 photos du père et de la fille Kaminsky.

Le récit démarre à Paris, en janvier 1944, la veille d'une rafle nazie. Adolfo Kaminsky, 19 ans, se trouve dans le métro parisien près de la station Père-Lachaise lorsque tout à coup un contrôle d'identité est effectué par la milice. Adolfo se fait passer pour Julien Kremer, 17 ans, Alsacien avec une carte d'identité de sa propre fabrication. mais la chemise brune veut aussi voir ce qu'il trimballe dans son sac. "Alors je lui offre mon sourire le plus niais" en affirmant : "mon casse-croûte, vous voulez voir ?" le métro est entretemps arrivé à la station Père-Lachaise et le milicien le laisse partir. Sur un banc du cimetière Adolfo essaie de recouvrir ses esprits pensant aux 50 cartes d'identité françaises vierges, sa plume, son encre, ses tampons et son agrafeuse qui se trouvaient en dessous de son casse-croûte !

Ce peut-être un peu long événement anecdotique mais authentique offre l'essentiel de la réponse sur la vraie nature d'Adolfo Kaminsky : un faussaire de génie qui fabrique des papiers pour des gens qui en ont un besoin vital ; un résistant de la première heure contre l'occupant et l'injustice ; un homme au grand coeur toujours prêt à aider son prochain ; un homme bigrement courageux qui prend des risques énormes et un homme foncièrement modeste.

Vivant à Vire en Normandie, l'invasion teutonne commence dans l'horreur pour la famille Kaminsky : la mère d'Adolfo est tuée et sa famille comme Juifs internée à Drancy. C'est grâce au consul argentin qu'ils sont libérés et l'adolescent de 17 ans rejoint aussitôt le Mouvement de Libération Nationale (MLN), où dans un labo obscur il fabrique de (faux) documents.

Pour ses coreligionnaires il en a fabriqué une montagne et de nombreux Juifs ont pu éviter les camps de la mort grâce aux papiers de Kaminsky. Après la guerre, le jeune homme a continué sur sa lancée en fabriquant des faux pour les Juifs désireux de s'installer en terre promise mais empêchés par les Britanniques, mandataires de la Palestine.

Pendant des années, Adolfo a délivré à des désespérés virtuellement autour du globe toutes sortes de papiers. Au Maghreb, Afrique du Sud, Amérique latine, aux États-Unis (les opposants de la Guerre du Vietnam), Haïti, etc.
Il en fournit aux dissidents en l'Espagne franquiste et la Grèce des colonels.
Avant finalement d'arrêter sa carrière de faussaire en 1971, un des derniers bénéficiaires de ses faux fut Daniel Cohn-Bendit pour participer à une conférence à Paris, en 1968.

Certains lui ont reproché de produire des papiers pour des membres du Front de libération nationale d'Algérie (1958-1962), mais je crois qu'il convient de considérer les motifs de Kaminsky qui agissait en son âme et conscience en faveur de ceux qu'il estimait être des opprimés.

Sa vie personnelle et sentimentale ont toujours été un désastre, mais il a pourtant toujours continué à aider les autres, selon Sarah Kaminsky dans une entrevue avec une journaliste du "Times of Israel" en mars 2017.

Mais ce "malheureux" nonagénaire a tout de même la chance inouïe d'avoir une fille talentueuse qui lui a consacré un témoignage merveilleux, dont je recommande la lecture avec enthousiasme.
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